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Ciels de synthèse - Page 7

  • Une mère, de Pierre Perrin

    La prose de Pierre Perrin ressemble terriblement à ses vers. Elle est âpre, unique, rapide. Elle affirme, même le doute ; elle dit. Je dirais qu'elle ne fait pas de cadeau — l'auteur, en tout cas, ne s'en fait pas. Toute cette densité donne une vraie puissance tragique à ce qui est moins un récit, malgré l'annonce en couverture, qu'une plongée, ou mieux encore : une série de plongées, dans les abîmes de l'oubli et les dédales de la mémoire. Car enfin il s'agit, plongée après plongée dans la campagne de Franche-Comté de l'immédiat après-guerre, puisque la seule chronologie est celle de l'écriture, rien moins que de remonter, comme on peut, petit à petit si j'ose dire, la mère de l'auteur ; certes vient avec elle le père du poète — et tout un monde ancien, dur au mal, au point de disparaître. Il semble que de leur vivant, le père ait été très aimé, la mère beaucoup moins, de refuser au fils toute manifeste tendresse ; et que le travail du temps ait tendu à inverser cette polarité, sans bien qu'on sache si le temps rend justice ou simplement nous change, puisque notre nature, hélas, tant mieux, est de changer sans cesse, du moins jusqu'à la mort. Mais la nécessité pour Perrin de ramener parmi nous cette mère ne souffre pas discussion. Il semble toutefois  hésiter lui-même, non sans raison, entre les mots de résurrection (en lui) et de tombeau (dans le livre qui s'écrit). Etrange, quoi que la mise à distance puisse être compréhensible, est à la fin cette avarice onomastique, j'aurais pu dire cette crainte du nom, qui fait que le père, la mère, les gens, les lieux familiers ne sont pas (ou vraiment très peu, Paris, la Poméranie) nommés ; et seul demeure après tout sur la couverture celui-là du poète.


    11 août 2024

    Pierre Perrin, Une mère, le cri retenu, le cherche-midi éditeur, 2001

    Lien permanent Catégories : Livre
  • Encombrement

    J'ai relu aujourd'hui un texte de commande que j'ai écrit il y a quelques années. J'ai trouvé qu'il répondait bien à la commande, qu'il n'était pas désagréable à lire, qu'il était possible à un acteur de le dire, que l'histoire qu'il raconte était très bonne (elle n'est pas de moi). Je me suis demandé s'il fallait l'inclure dans un recueil de textes que j'envisage depuis un moment. Je n'en ai pas vu la nécessité.

    La nécessité de ce recueil aussi m'est devenue très incertaine. A quoi bon ajouter ces histoires à la masse énorme de ce qui est publié ? Même si ce n'est pas mauvais, même si c'est plutôt bon (allez), l'intérêt d'encombrer provisoirement, avant le pilon, les étagères de sept ou huit librairies est à peu près nul. Et il sera difficile de me faire asseoir derrière une table, à attendre l'éventuel chaland, pour lui gribouiller une signature et un mot convenu dans le cas qu'il se sentirait obligé, Dieu sait pourquoi, d'acheter ce produit de consommation moins nécessaire à l'honnête homme qu'une bonne bière fraîche après la journée de travail. 

    19 avril 2024

    Lien permanent Catégories : Journal
  • Fin.

    J'ai mis ces temps-ci la dernière main à ce qui devrait donner un livre d'une petite centaine de pages, dont je ne pourrai pas éviter qu'il soit jeté dans la catégorie des poèmes ou des poésies, ce qui, au vu des parutions utilisant aujourd'hui ces substantifs, est proprement désespérant. 

    L'ensemble s'appelle Temps pour temps, s'est écrit entre 2018 et aujourd'hui, et intègre en seconde partie une version remaniée de ma petite Lettre ouverte à l'Intendant du Domaine, écrite en 2019 et publiée en 2020.

    Le texte introductif que je viens de terminer m'apparaît comme un testament. Personne, à mon avis, ne viendra réclamer l'héritage. Fin.

  • À hauteur

    Plus votre idée de quelque chose est haute, plus est grand le nombre des gens vous paraissant dans l'exercice médiocres et nuls. (Un tel axiome ne tient pas compte, évidemment, des amitiés réelles, qui poussent au silence ou à l'indulgence plus ou moins coupables, ni des inévitables mondanités, hypocrisies, arrivismes divers.) Ceux en revanche qui, malgré qu'ils en aient, ont une idée médiocre de la chose en question, peuvent entamer tranquillement une carrière sur la foi de la reconnaissance de leurs pairs, puisqu'ils trouvent agréable d'en avoir ; ainsi que sur les œuvres et manœuvres des trafics d'influence (puisque c'est dans la mafia du milieu que tout se joue, des coudes ou des couilles). Pour l'homme de l'idée haute, hors des moments nécessaires d'exaltation solitaire, un certain réalisme consenti doit fréquemment le faire douter de se trouver à hauteur ; non moins qu'il lui fera mépriser, et dans le meilleur des cas ignorer, ces médiocres de la carrière ; ce qui pourra même, dans certains cas, le faire se trouver nul.

    (Note préparatoire à un papier pour une revue de poésie)