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  • Parole n'a parolé (2025)

    (brouillon)

     

    1. Le théâtre est cet art où l’action, grande ou triviale, se déduit de ce que disent les personnages.

    2. Il faut donc, pour que l’action ne coïncide pas à la parole d’un seul, que toutes paroles soient fausses.

    3. Le théâtre est cet art où, s’il est une vérité, elle ne peut être dite.

    4. Le poème dramatique est donc premier.

    5. Ce qui fait du théâtre la lecture en acte du poème dramatique.

     

    26 février 2025

  • Parole n'a parolé (2007)

    L'exercice de sophophilie auquel deux personnages (dont un est issu des nombres) se livrent, dans le chapitre de la machine en cours, m'a obligé de ressortir ce texte de 2007 et d'en coller tel quel les trois points initiaux dans le corps du texte. Vous trouverez ci-dessous le texte complet, qui a si j'ose dire trait à une dramatique divine (n'empruntant rien à Hans Urs von Balthasar, puisqu'en 2007 je ne l'avais pas lu).


    20 novembre 2024

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  • M. Quelle, Chermont et moi

    « M. Quelle aurait pu se faire moine. Tant qu'à vivre seul, pourquoi ne pas vivre avec Dieu ? Ça ou la comptabilité, comme il en fit de nombreuses années, ou le saut à l'élastique, comme il s'apprêtait à en faire, franchement, quelle différence ? »

    Pierrick de Chermont m'a offert son livre, bel objet, chez lui, fin novembre (2024), après que j'avais lu des poèmes de Pierre Perrin. On devrait toujours dire (peut-être) d'où nous arrivent les livres ; et entre quels autres livres on les a lus.
    Gwen Garnier-Duguy sur la quatrième de couverture (et dans la postface) dit que depuis presque un siècle la littérature française n'a plus de personnage poétique ; et c'était amusant de lire ça car mon ami et néanmoins poète Fred Pougeard venait de m'offrir le Monsieur Hopop de Thierry Marchaisse. Livre que j'avais commencé à peine, mais dont le personnage, pour le coup, me semblait poétique.
    J'ai donc lu M. Quelle (qui se prononce, selon le dire de l'auteur M point Qouelleu) juste après le Hopop. (C'est en soi une chose statistiquement peu probable et tout à fait hasardeuse.)
    Je voulais déjà en noter quelque chose ici, mais n'en ai point alors trouvé le temps.

    J'ai donc relu, début février, ce M. Quelle (le livre que j'ai lu juste avant était Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad (il ne peut plus être question, comme avec le livre de Marchaisse, de contempler des différences subtiles : le contraste emporte tout)).
    De Chermont, j'avais déjà lu Les Portes de l'Anonymat et Les Limbes (les deux volumes chez Corlevour, dont le dernier m'avait fait dire que l'auteur était le dernier honnête homme (parfois, j'exagère)). 

    M. Quelle (je ne m'y fais guère et dans ma tête prononce toujours Monsieur Quel) commence par être le type improbable si pas abstrait qui fait, en survêtement, des mouvements étranges derrière les lignes du livre que vous lisez (si le lecteur peut accepter cela, me dis-je alors, il doit pouvoir accepter tout le reste ; c'est l'un des avantages de commencer par la face Nord) ; puis à mesure que l'on avance dans le livre il prend chair, il prend une sorte de vie autonome (quoique manifestement asexuée) et mène une vie qu'il ne mène vraiment ni vraiment ne vit. On dirait une sorte de lecteur lambda à peine intéressé par ce qu'il lit (et qui semble craindre, ce qui est plus excusable et compréhensible, ce qu'on appelle encore aujourd'hui de la poésie).

    « Dès ses premières minutes dans le monde, M. Quelle ne manifesta rien de particulier. »

    Le type, velléitaire en diable, par instants même presque théorique, est des plus attachants et Pierrick de Chermont nous en narre les poétiques et parfois plates aventures avec grande distance et humour délicat. Il n'est pas possible, au fond, de ne pas se reconnaître, même partiellement, dans ce crétin désorbité de Quelle ! C'est amusant, et mieux, souventefois fort bien vu. Notre époque est dite là, comme en passant, et en faisant pour ainsi dire autre chose.

    Monsieur Quelle est aussi borroméen que le nœud dont il ne parle pas : il est ce cercle par lequel sont liés à présent le lecteur & l'auteur (le poète), qui sans doute sont les véritables protagonistes du non-drame (ou pour le moins du drame très distancié qui se joue, ou ne se joue pas). 
    (Dans le nœud borroméen (Lacan-coyote à part), chacun des trois cercles lie les deux autres qui, sans lui, ne sont pas liés entre eux.)
    La chose est annoncée discrètement et comme naturellement dès le second des 54 poèmes en prose, « Le temps vide » (un sous-titre possible, d'ailleurs, de l'ensemble du recueil), dans une incise d'une simplicité biblique : « pour fixer son âge, précisons qu'il avait le mien, ou le vôtre ». M. Quelle est, si j'ose dire, là tout entier. Il emprunte à l'auteur et au lecteur et peu importe quoi. Il empreinte, tout aussi bien. Le lecteur prend ce qu'il veut et prête le reste au poète (on ne prête qu'aux riches) ; c'est en tout cas ce que j'ai fait. C'est ainsi que M. Quelle, dans ses aventures plus ou moins métaphysiques (il peut même entreprendre de devenir un singe en cage), est souvent homme d'affaires aussi bien qu'électricien ou jardinier, toutes activités ayant une importance moins contingente encore que relative). M. Quelle parfois se demande s'il existe : si vous non, alors l'auteur sans doute (et vice-versa). Tout cela est assez drôle, dans les deux sens, dans une prose légère et maîtrisée, sans rien en elle qui pèse ou qui pose.

    En somme, Chermont a beaucoup d'intelligence (ce qui ne nuit jamais, contrairement aux bêtises qu'on peut lire çà et là) et de fantaisie, ce qui est encore mieux. Le livre est enlevé, limpide et profond, ce qui est rare, dont la prose touche juste (à quelques coquilles près). À propos de prose, M. Quelle est comme moi, il utilise à penser le temps qu'il passe aux toilettes et fait tout autre chose, avec un enthousiasme volatile, dès qu'il en sort. 

    « Monsieur Quelle ne savait trop quoi penser des circonstances présentes. »

    Ce qui est amusant aussi, c'est la postface de Gwen Garnier-Duguy. Je ne doute pas du tout de la sincérité de sa lecture, ni de sa volonté de défendre et la poésie (cette idée...) et Pierrick de Chermont, mais il en fait un peu trop. On a le droit, bien sûr, de voir en M. Quelle un homme déconstruit, mais il faut croire avant cela qu'une telle catégorie existe réellement. Garnier-Duguy finit même, allusions obligent, par voir notre poète Chermont s'engouffrer tout debout dans deux impasses à la fois, celle de Rimbaud et celle de Mallarmé (qui auraient fermé l'avenir de la poésie) pour offrir un avenir, justement (!), à ladite poésie. Bon. C'est étrange, tout de même, d'offrir un avenir en s'engouffrant (Dieu sait comment) dans deux impasses à la fois. Je renonce à comprendre, pas à sourire.

    Les choses de mon point de vue sont plus simples, quoique borroméennes : Par M. Quelle, Chermont me lie à lui ; par Chermont, je me suis lié à M. Quelle ; par moi (lecteur dans l'exercice de lire) le M. Quelle de Chermont existe.  

    17 février 2025

    Pierrick de Chermont, M. Quelle, L'Atelier du Grand Tétras, 2024

  • Rushdie sur l'art de raconter

    « Dans le Kerala il put voir un conteur réputé exercer son art. Ce qui était intéressant dans sa façon de faire, c'était qu'il procédait à l'inverse de toutes les règles. «Commence au commencement » avait conseillé le Roi de cœur au Lapin Blanc tout ému dans les Aventures d'Alice au pays des merveilles. « Et continue jusqu'à la fin et arrête-toi. » Ainsi fallait-il raconter les histoires selon tous les rois de cœur qui avaient établi les règles, et pourtant ce n'est pas ainsi que cela se passait dans ce théâtre en plein air du Kerala. Le conteur mêlait les histoires les unes aux autres, se lançait dans de fréquentes digressions loin du récit principal, faisait des blagues, chantait des chansons, faisait le lien entre son histoire politique et les récits anciens, donnait dans des apartés personnels et, dans l'ensemble, faisait tout de travers. Et pourtant le public ne se levait pour quitter le théâtre écœuré. Bien au contraire, il hurlait de rire, pleurait de désespoir et restait assis au bord de son siège jusqu'à la fin. Se comportait-il ainsi en dépit des jongleries compliquées du conteur ou à cause d'elles ? Et si cette manière pyrotechnique de raconter était en fait plus captivante que la version préconisée par le Roi de cœur, si le récit oral, la plus ancienne des formes narratives, avait survécu justement parce qu'il avait adopté la complexité et l'espièglerie et rejeté la forme linéaire ? »

    Salman Rushdie, Joseph Anton, traduit de l'anglais par Gérard Meudal, Plon 2012

    30 novembre 2024

  • Vers l'approximation (1)

    Dans le monde de James Bond (le monde fictif où James Bond est un personnage), par exemple, Ian Fleming, ses romans, et les films de James Bond ainsi que leurs leurs produits dérivés ne sont pas censés exister (ce qui n'empêche d'ailleurs pas, parfois, quelques clins d'œil potaches).

    Dans la machine en cours écrite par moi (P.A.), je pourrais dire que :
    Dans le monde fictif où R.P.H est un personnage de l'écrivain S.Y., S.Y. n'existe pas (du moins comme créatrice de R.P.H.).
    Dans le monde fictif où S.Y. est un personnage de l'écrivain R.P.H., R.P.H. n'existe pas (du moins comme créateur de S.Y.).

    Dans la machine en cours lue par un lecteur externe (∼P.A.), les deux mondes précédents n'étant jamais signalés comme séparés :
    Les personnages et écrivains R.P.H. et S.Y. existent dans un monde fictif unissant les deux mondes ci-dessus. Il n'est pas certain du tout, onomastique oblige, qu'ils soient perçus comme étant quatre.

    Se poser la question de ce qui est vrai et de ce qui est faux n'a probablement pas de sens. A moins que. (La folie rôde.)

    La naissance (dans le futur) du personnage A.Q. et sa prise de position en tant que troisième narrateur ne va rien arranger, je le crains.
    Adieu.



    29 novembre 2024

    Lien permanent Catégories : Machine