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Politique

  • Pause

    Un mois sans mettre une ligne dans le roman. Envie de changer tout à fait de registre, de langue, de tout. Avant que ma tête n'éclate. Tout ça est à l'arrêt. Aucune importance.

    Je fais très lentement des textes très courts, dans une langue classique. A grande distance. Repos. 

    Je lis. Faulkner (quel poète : il y a de longs poèmes en prose).Le texte émouvant du prochain spectacle de Fred Pougeard. Vila-Matas (que je découvre et qui m'intéresse et m'agace à la fois). Kipling. Debray (mouais, mouais, mouais). Prazan (intéressant). 

    Bientôt Suarès ou Joseph Joubert. Peut-être Gracq (avec beaucoup de café).

    J'ai retravaillé à Temps pour temps. J'ai fait une version modifiée de la Lettre à l'Intendant du domaine, que j'ai fait suivre de deux textes très courts. On va grouper tout ça et on verra.

    J'ai tenu 35 minutes dans l'interview de Poutine par Tucker Carlson. Il y a deux semaines déjà. Je m'étais dit qu'il faudrait regarder la suite et je ne l'ai pas fait. A quoi bon ? 

    Pourquoi, finalement, devrais-je m'intéresser à ce à quoi je ne puis rien ? C'est aussi ridicule que de raconter sa vie. Et j'ai du bois à fendre.

    Le soi-disant poète Maulpoix a cogné vingt ans sa femme (je ne dis pas soi-disant parce qu'il tape, mais pour le mot poète dont il faut bien admettre qu'il pue le siècle. Et puis, ces fayots de premiers de la classe m'emmerdent depuis longtemps.). J'ai envoyé un petit commentaire là-dessus à Pierre Perrin, de la revue Possibles, qui m'a demandé un texte, proposé de tourner et retourner le fiel (je me sens peu fielleux, finalement) et de sulfater à satiété (ça me va déjà mieux). Je lui ai dit que je voulais aussi faire un éloge. 

    (Je pense parfois que les journalistes et autres animateurs à la con sont les poètes de notre époque et qu'eux aussi, globalement, font vraiment de la merde. il faut bien ça.)

    11 mars 2024

     

     

     

  • La loi du plus fort

    La question du jour (mauvais temps, faute à Boutang...) est de savoir si l'agresseur est nécessairement le premier qui frappe. Il semble bien que les cas existent où le premier qui frappe n'est pas réellement l'agresseur ; où donc le premier coup serait permis (l'emploi du conditionnel est justifié plus loin). J'imagine, par exemple, que si six ou sept personnes le cernent et le menacent avec l'intention manifeste de lui faire la peau, un type est tout de même fondé à éclater les couilles du premier qui s'approche, dans la sainte intention de dissuader ses comparses. Mais en réalité, tout dépendra de l'issue du combat et du protagoniste finalement qui dira le droit. Ce qui signifie tranquillement que, sous les apparences à maintenir, tous les coups sont permis pour être celui dont à la fin la force prend force de loi. Ce n'est quand même pas si sorcier à comprendre. Il pleut toujours et je considère cette question comme définitivement résolue, merci de votre attention.

    8 février 2024

     

     

  • Vortex 3

    « Depuis quand Dieu permet-il aux machines de prendre la parole ? demandait Edison, dans L'Eve future de Villiers de l'Isle-Adam. »

    Toute la partie réaliste du roman publié en 2003 se déroule entre 1989 et 2001, entre la chute du Mur et le 11 septembre. Mais de même que l'Histoire a mené là les protagonistes, eux vont mener l'histoire au-delà de leur propre vie. Les enquêtes commencent avec des fax dans un monde fumeur, on voit Internet arriver doucement et plus violemment le chaos dans la société française, les machines (institutionnelles et technologiques) prendre le pas sur des humains qui se refusent à devenir machines et à rivaliser avec elles, à les doubler dans un monde (ou un anti-monde) à elles inaccessible. Le roman se termine dans le futur avec des hommes presque vivants et connectés par IA cérébralement implantée à la bibliothèque mondiale ; car comme l'avait dit Wolfmann, « désormais les guerres à venir seraient des guerres conduites entre des bibliothèques rivales ».

    Certaines pistes policières du roman n'ont pas été explorées. L'écho qu'elles ont avec certaines actualités le fait presque regretter. Par exemple, ce qui qui suit, dit par l'ex-soldat répondant au pseudonyme de Carnaval :

    « Sachez que votre tueur n'enlève peut-être pas lui-même ses victimes. Sachez qu'il existe un circuit sur le marché noir, un circuit qui a pour tâche de revendre de jeunes enfants ou des adolescents à des pervers sadiques. Il y a des kidnappeurs professionnels, branchés avec ses réseaux, et ils les fournissent en chair fraîche, même Wolfmann a du mal à intégrer cette idée, mais c'est une certitude. »

    Si Villa Vortex était réduit à ses enquêtes policières successives, lesquelles échouent d'ailleurs toutes, sa puissance balaierait encore la plupart des romans de sa décennie. Les deux cents pages finales (j'ai séché les cinquante dernières) où le roman poursuit pour ainsi dire sur sa lancée après la mort de tous ses personnages (Kernal, Nitzos, Wolfmann, Mazarin, le tueur des centrales) sont trop longues (il faut cinquante pages avant que Narkos ne naisse de la fusion des personnages morts dans quoi ? sinon le cerveau de l'auteur Dantec sur lequel nous sommes branchés) mais devaient être tentées. Et s'il est amusant de relire en 2024 les errances terminales de ce Narkos naviguant entre la vie et la mort, c'est aussi parce qu'elles sont censées avoir lieu en « octobre de l'An 72 Après-la-Bombe », donc en octobre 2017, et que la prophétie de Dantec ne manque pas d'humour...

    « Ensuite la machine à écrire vivante se branche sur le réseau mondial du flux satellitaire de l'information permanente : les Troupes de la République corse du Val-de-Marne appellent à marcher sur les lignes tenues par la Fraction Révolutionnaire Anarchiste de Disneypolis. En réponse, le Rassemblement Unitaire anti-fédéral a repris sa compagne contre les positions tenues par la Garde François Mitterrand du Front Socialiste pour l'Instauration Obligatoire de la Liberté, et ce dans toute la banlieue est. La machine zappe, court d'une fréquence à l'autre : le Groupe Salafiste pour le jihâd et la conservation de la foi dans les territoires occupés de la Seine-Saint-Denis a semble-t-il entrepris des représailles contre ses rivaux du Mouvement Islamique pour l'instauration immédiate de la charia-Commandement Général Nord. Mais la pression exercée sur lui par les soldats de l'Union pour la Croisade Républicaine l'oblige à interrompre ses opérations. »

    Et ainsi de suite quatre pages durant. On peut en rire... parce que, visiblement, c'était déjà mort en 2003.

    7 janvier 2024

    Maurice G. Dantec, Villa vortex, Gallimard (la noire), 2003

  • Vortex

    Vingt ans après sa sortie, je relis Villa Vortex. Je n'ai pas fait exprès, je voulais seulement le feuilleter. Et j'ai été happé. Par le vortex, donc. Deux cents pages le premier jour... Et pourtant, il y en a tout de même quelques-unes, des tournures à la one again (on était un peu après la fin de la fin, chez Gallimard). Mais l'énergie emporte tout (même les répétitions à toute heure de syncrétisme métaphysique), et la vision. La noirceur de Dantec paradoxalement galvanise. L'espérance, après tout, consiste à se battre, se battre et encore se battre. Et tout le restant est bon pour les chiottes et les maisons d'édition.

    « Nous avions cru que les machines étaient des prothèses artificielles dont l'homme s'était doté pour dompter la nature. C'était peut-être vrai. Cela n'empêchait nullement le fait que selon toute probabilité l'homme lui-même était une prothèse artificielle dont la nature s'était dotée, pour des raisons inexplicables encore. En d'autres termes, ce monde étonnamment vieux venait vraiment de commencer, tout autant qu'il entrevoyait là sa fin : toutes les créatures ne supplantaient pas leur créateur par une sorte d'effet automatique dont on ne trouve nulle trace dans l'univers, pour que cela advienne il fallait qu'au préalable le créateur ait commis l'erreur de doter sa créature des mêmes pouvoirs de création que lui. » (P. 28)

    « Lors de ma vie innocente et stupide, j'avais eu l'occasion par maintes fois de me rendre compte combien rien ne pesait vraiment face à la forme suprême de volonté qu'avait atteint l'homme moderne, l'homme de ma génération : la volonté de ne plus rien vouloir du tout, tout en désirant tout. Il lui fallait non seulement le confort, pour lequel des générations entières s'étaient usées contre la diabolique dureté du monde de la Matière, mais, s'il vous plaît, le confort doublé du spectacle du risque et de sa propre contestation, c'est-à-dire l'impossibilité pathogène, et pitoyable, de trouver un quelconque espace où sa propre figure ne lui soit pas constamment renvoyée, telle une ombre sans cesse jetée au-devant de lui, et qui grimacerait son horrible sourire de touriste médusé, ou de médecin humanitaire. » (P. 42)

    2 janvier 2024

    Maurice G. Dantec, Villa Vortex, Gallimard (la noire), 2003

  • Erzébet Bélandry-Fongier

    « On ne savait pas exactement combien de fois Erzébet Bélandry-Fongier avait changé de sexe ; la plupart des gens disaient quatre, c'était donc peut-être trois, et plus probablement deux, quoi que cinq ne fût point exclu. Ancienne élève de l'Institut National du Service Public, elle officiait désormais au sommet de l'État, se targuait d'être écoutée d'un président qu'elle savait un larbin et avec lequel elle ne communiait au fond que dans le mépris du peuple. Elle s'était fait une spécialité de critiquer l'avènement des machines super-intelligentes, dont quelques nantis seuls auraient ici les moyens, et ne voyait, la crise démographique occidentale étant ce qu'elle était, de salut que dans la conversion massive et rapide des diverses peuplades françaises à l'islamisme hautement reproducteur le plus bas de plafond, qui était pour elle-même, au passage, très rémunérateur. Sa théorie était évidemment moquée ; mais quoi qu'elle fût moquée, elle semblait s'appliquer d'elle-même, lentement, dans la réalité. Il faut dire que chacun, jusqu'au président tout-puissant, laissait faire et se savait payé à cela. Tous les politiciens de tous les horizons, devant une paupérisation accélérée du pays considérée comme irréversible, s'étaient comme un seul homme convertis à la décroissance à la coule (allah-cool) et poussaient des hourras à chaque nouvel enfoncement du peuple dans la merde. »

    29 décembre 2023