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mccarthy

  • Sur *Le Passager* de Cormac McCarthy

    J'ai lu ce roman en septembre 2023 et je lai relu en juillet 2024. Cette fois encore, je me suis senti comme en plein jour et comme chez moi dans ce livre très sombre. L'intrigue, ténue, presque perdue dans des conversations libres, m'est apparue plus claire. Le souvenir de ma lecture de Stella Maris en octobre 2023 l'a beaucoup éclairée. Je vais devoir maintenant relire Stella Maris. L'idée venue lors de la première lecture de ces deux romans ensemble considérés comme un dispositif, que McCarthy modifie vraiment quelque chose d'important (que j'essaierai de préciser plus tard, peut-être) dans la constitution littéraire du roman, qui pourrait éventuellement lui permettre de survivre au siècle qui vient, est demeurée intacte, et s'est considérablement renforcée ; bien que je doute que le mot roman ait grand avenir devant lui. 

    29 août 2024

  • 6 janvier 24

    Dans le chapitre en cours (le second du nouveau roman alternant avec l'ancien), dont j'ai passé plusieurs semaines à mettre en place le plan rigoureux et cohérent (vous allez comprendre), la narratrice (S.H.) se demande si elle est ou non encore en vie ; ainsi d'ailleurs que d'autres personnes qui lui sont proches, au moins spatialement. Voilà pour ce qui est clair. Ce que je m'explique moins, c'est que le chapitre entier tourne farce, avec des capsules spatiales hallucinées, un romancier mort (McCarthy) devant compléter comme il peut un dialogue dont les réponses d'un des deux interlocuteurs se sont perdues, une explosion de la planète Terre vue depuis l'espace et un dialogue entre dominicains célèbres (se déroulant en Italie aux environs de 1270) manifestement écrit par un scénariste protestant-zombie compensant à coups de bordées de mots orduriers, pour un film à gros budget américain. Autant vous dire que le lecteur et moi-même débarquons là comme Fabrice à Waterloo.

    6 janvier 2024

  • 16 octobre

    Le roman était fini, donc. Le 16 octobre, je l'ai pourtant repris. Une dernière fois. Je reprends tout, je double tout. J'avance lentement. Je tente de créer un peu d'empathie pour le monstre froid, se vidant à mesure jusqu'à devenir un de ces hommes creux dont a parlé T.S. Eliot. Je ne sais pas où je vais. Il aurait mieux valu ne pas écrire. Il va falloir descendre. Je m'en serais foutrement bien passé.

    L'idée de reprendre m'était déjà venue en avril, en découvrant Le secret de René Dorlinde de Pierre Boutang. Mon roman, si différent soit-il, partage avec celui de Boutang une grande diffraction, jusques à la disparition, de la structure narrative (quoi que cela veuille dire). Puis mai, juin, juillet, août étaient passés sans que je n'entreprisse rien, ou quelques dézingages de menues coquilles.

    Je l'ai repris le 16 octobre pour deux raisons qui me sont apparues en même temps : 1. Trois lecteurs très différents avaient récemment tenté de lire le manuscrit et aucun, je crois, n'était allé au bout des 180 pages, rien au fond ne les liant réellement au narrateur. (Et c'est une riche conversation avec mon ami Radu Stoenescu qui m'a fait effectivement commencer cette reprise.) 2. J'ai lu (dans cet ordre, qui est celui de la publication) Le Passager  et Stella Maris, les ultimes romans frères de C. McCarthy en une semaine et j'ai su très vite que j'allais devoir tout reprendre. Le nombre des dimensions que déploient les romans, à moins que ce ne soit la manière de circuler entre elles, dépasse tout ce que je connais, est mieux fluide (oui, mieux fluide) et moins seulement linéaire, le temps y existe d'une façon inconnue jusque là, et seul peut-être Finnegans Wake leur serait lointainement comparable, à ceci près, colossalement, que les deux romans de McCarthy sont intégralement lisibles. (Un homme de presque quatre-vingt dix ans, avec deux romans atomiques situés respectivement autour des années 1980 et en 1972 vient d'un coup d'ouvrir le XXIème siècle et il serait petit, ridicule, malhonnête et stupide de faire comme si cet évènement n'avait pas eu lieu.)

    J'ai dit que je doublais mon roman initial : j'ai donc commencé en octobre d'ajouter aux trois mémoires successifs de mon narrateur, des conversations enregistrées "objectives" qui ne vont pas nécessairement dans le même sens que lui ; et l'éclairent d'un jour violent. Mais, depuis novembre, je double encore ce doublement en commençant un roman parallèle (tenu par une narratrice absolument nouvelle, que je découvre à mesure, puisqu'elle n'est liée à aucun personnage précédemment existant), avec lequel le premier roman alternera, chapitre après chapitre. Le point de savoir si ce nouveau roman deux fois doublé absorbera d'une façon ou d'une autre ce que j'imaginais être sa suite (sous le titre GGS) n'est pas tranché encore.

    8 novembre 2023

     

     

     

     

     

  • Par cœur

    Rien n'est plus naturel que de considérer toutes choses à partir de soi, choisi comme centre du monde ; on se trouve par là capable de condamner le monde sans même vouloir entendre ses discours trompeurs. Debord, Panégyrique

    J'ai envie de relire Le Passager de Cormac McCarthy, que j'ai fini il y a quelques semaines (et Stella Maris dans la foulée) ; ses toutes premières pages, enregistrées comme simples informations à la première lecture, me troublent à présent.

    Relativement nombreux sont les livres que je relis à présent ; rares sont ceux qu'on relit à peine les a-t-on refermés. Panégyrique avait provoqué plusieurs lectures successives. J'en connais des passages par cœur.

    On n'aime pas nécessairement ce qu'on voudrait aimer, ni ce que sincèrement on dit aimer. Je crois de plus en plus que la poésie qu'on aime, c'est celle qu'on sait par cœur ; pire, c'est ce qu'on sait par cœur, et tant mieux après tout si ce n'est pas de la poésie. (Il ne reste peut-être, à nombre de gens, que quelques fables de La Fontaine, mais c'est beaucoup mieux que tant de choses, pour peu qu'on se mette à les entendre...). Je me demande si l'ami Fred Pougeard serait d'accord (oui et non, j'imagine...).

    Le seul livre sur la poésie auquel je reviens souvent, au point d'en connaître par cœur quelques courts passages, c'est le bref Sur le vers français de Claudel, écrit à Tokio le 7 janvier 1925, qu'on trouve dans ses Réflexions sur la poésie. L'incipit :

    On ne pense pas d'une manière continue, pas davantage qu'on ne sent d'une manière continue ou qu'on ne vit d'une manière continue. Il y a des coupures, il y a intervention du néant. La pensée bat comme la cervelle et le cœur.

    23 octobre 2023