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poésie

  • À hauteur

    Plus votre idée de quelque chose est haute, plus est grand le nombre des gens vous paraissant dans l'exercice médiocres et nuls. (Un tel axiome ne tient pas compte, évidemment, des amitiés réelles, qui poussent au silence ou à l'indulgence plus ou moins coupables, ni des inévitables mondanités, hypocrisies, arrivismes divers.) Ceux en revanche qui, malgré qu'ils en aient, ont une idée médiocre de la chose en question, peuvent entamer tranquillement une carrière sur la foi de la reconnaissance de leurs pairs, puisqu'ils trouvent agréable d'en avoir ; ainsi que sur les œuvres et manœuvres des trafics d'influence (puisque c'est dans la mafia du milieu que tout se joue, des coudes ou des couilles). Pour l'homme de l'idée haute, hors des moments nécessaires d'exaltation solitaire, un certain réalisme consenti doit fréquemment le faire douter de se trouver à hauteur ; non moins qu'il lui fera mépriser, et dans le meilleur des cas ignorer, ces médiocres de la carrière ; ce qui pourra même, dans certains cas, le faire se trouver nul.

    (Note préparatoire à un papier pour une revue de poésie)

  • Pause

    Un mois sans mettre une ligne dans le roman. Envie de changer tout à fait de registre, de langue, de tout. Avant que ma tête n'éclate. Tout ça est à l'arrêt. Aucune importance.

    Je fais très lentement des textes très courts, dans une langue classique. A grande distance. Repos. 

    Je lis. Faulkner (quel poète : il y a de longs poèmes en prose).Le texte émouvant du prochain spectacle de Fred Pougeard. Vila-Matas (que je découvre et qui m'intéresse et m'agace à la fois). Kipling. Debray (mouais, mouais, mouais). Prazan (intéressant). 

    Bientôt Suarès ou Joseph Joubert. Peut-être Gracq (avec beaucoup de café).

    J'ai retravaillé à Temps pour temps. J'ai fait une version modifiée de la Lettre à l'Intendant du domaine, que j'ai fait suivre de deux textes très courts. On va grouper tout ça et on verra.

    J'ai tenu 35 minutes dans l'interview de Poutine par Tucker Carlson. Il y a deux semaines déjà. Je m'étais dit qu'il faudrait regarder la suite et je ne l'ai pas fait. A quoi bon ? 

    Pourquoi, finalement, devrais-je m'intéresser à ce à quoi je ne puis rien ? C'est aussi ridicule que de raconter sa vie. Et j'ai du bois à fendre.

    Le soi-disant poète Maulpoix a cogné vingt ans sa femme (je ne dis pas soi-disant parce qu'il tape, mais pour le mot poète dont il faut bien admettre qu'il pue le siècle. Et puis, ces fayots de premiers de la classe m'emmerdent depuis longtemps.). J'ai envoyé un petit commentaire là-dessus à Pierre Perrin, de la revue Possibles, qui m'a demandé un texte, proposé de tourner et retourner le fiel (je me sens peu fielleux, finalement) et de sulfater à satiété (ça me va déjà mieux). Je lui ai dit que je voulais aussi faire un éloge. 

    (Je pense parfois que les journalistes et autres animateurs à la con sont les poètes de notre époque et qu'eux aussi, globalement, font vraiment de la merde. il faut bien ça.)

    11 mars 2024

     

     

     

  • Discours et poésie

    Les discours sur l'amour m'ennuient. Tous les discoureurs mentent et mentent mal, en prose ainsi qu'en vers, ce qui serait pire si leurs vers en étaient. Un fonctionnaire, qui faisait des poèmes à la mode pour conquérir des positions institutionnelles, causa lyrisme amour et poésie à tout bout de page et cogna vingt ans sur sa femme. À croire que le calme après les coups lui tenait lieu d'ataraxie de fortune d'où palabrer ces éthèrements de vide garçon. « Si ça a duré aussi longtemps, c’est que cette masse négative générait du positif. » Tu m'étonnes, Ducon. La lutte pour les positions institutionnelles est âpre et notre époque produit à flux tendu ce type de pompe à merde. Le vainqueur de ces joutes pour les prix et les bourses, normalien comme il se doigte en France, fait le délice des amateurs (qu'ils soient ou non à matrice), dont les genoux sont khâgneux à force d'extraire à coups de langue telle substantifique moelle.

    29 février 2024

  • Poécrivages

    Je les comprends très bien. Ils ont peur que rien ne reste d'eux après leur mort. Alors ils écrivent des babioles. Mais les gens passent sans s'arrêter. Alors ils se disent d'abord que le temps leur fera bientôt justice, puis comme rien ne vient ni ne change, ils paniquent un peu, et sur la fin, poussent des petits cris aigus pour signaler l'existence de leurs choses, là, là, regardez, c'est bien, c'est de moi. Et les gens passent tout de même. Ce qu'ils ne comprennent pas, c'est que ce qui peut leur arriver de mieux, de plus juste, c'est qu'il ne reste rien de leur petit piaillement écrit. C'est plus décent. Les gens passent ; et des meilleures. Et le temps fait justice.

    2 novembre 2023

  • Par cœur

    Rien n'est plus naturel que de considérer toutes choses à partir de soi, choisi comme centre du monde ; on se trouve par là capable de condamner le monde sans même vouloir entendre ses discours trompeurs. Debord, Panégyrique

    J'ai envie de relire Le Passager de Cormac McCarthy, que j'ai fini il y a quelques semaines (et Stella Maris dans la foulée) ; ses toutes premières pages, enregistrées comme simples informations à la première lecture, me troublent à présent.

    Relativement nombreux sont les livres que je relis à présent ; rares sont ceux qu'on relit à peine les a-t-on refermés. Panégyrique avait provoqué plusieurs lectures successives. J'en connais des passages par cœur.

    On n'aime pas nécessairement ce qu'on voudrait aimer, ni ce que sincèrement on dit aimer. Je crois de plus en plus que la poésie qu'on aime, c'est celle qu'on sait par cœur ; pire, c'est ce qu'on sait par cœur, et tant mieux après tout si ce n'est pas de la poésie. (Il ne reste peut-être, à nombre de gens, que quelques fables de La Fontaine, mais c'est beaucoup mieux que tant de choses, pour peu qu'on se mette à les entendre...). Je me demande si l'ami Fred Pougeard serait d'accord (oui et non, j'imagine...).

    Le seul livre sur la poésie auquel je reviens souvent, au point d'en connaître par cœur quelques courts passages, c'est le bref Sur le vers français de Claudel, écrit à Tokio le 7 janvier 1925, qu'on trouve dans ses Réflexions sur la poésie. L'incipit :

    On ne pense pas d'une manière continue, pas davantage qu'on ne sent d'une manière continue ou qu'on ne vit d'une manière continue. Il y a des coupures, il y a intervention du néant. La pensée bat comme la cervelle et le cœur.

    23 octobre 2023