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roman

  • Machine (3) la place de Paris

    Il m'est nécessaire d'inventer ce que je veux voir exister. Le plus grand écueil est sans doute de vouloir que ce que je fais ressemble à ce qui existe déjà. Le mot roman ne convient pas et celui de machine, qui me vient, ne dit rien à personne. Ce qui est tout de même à se tordre. Souvent je suis perdu, sans plan, puisque cela ne ressemble à rien de connu. Alors je fais taire en moi le critique, esprit du dernier ordre, et continue d'avancer. On verra. Ce sera de toute façon tout à fait impubliable.
    Ce qui est rassurant, quand on voit ce qui est publié en France sous le nom de littérature.
    Côté philosophie par exemple, on ne se donne même plus vraiment la peine de traduire les livres anglais ou américains intéressants ; on sait que les gens que ça intéresse les liront dans le texte. Côté sciences, il y a lurette que les Français écrivent directement en anglais (sans se préoccuper même de fournir une version française à l'Université). La place de Paris is a godforsaken place.

    18 novembre 2024

  • Clairière ou précipice

    Les possibilités du langage me paraissent infinies et rien ne passe pourtant le roman (ce qu'on appelle encore ainsi par habitude) dont la fabrication est tellement attendue qu'elle a pris un tour industriel. Je m'en veux déjà (oh, modérément) de négliger les joies réelles de la composition (les règles étant posées, grâce auxquelles on concourt). Sur quels schémas bien établis nos pauvres esprits viennent-ils buter sans cesse ? Dès que l'on sort des sentiers battus et rebattus de la narration (qu'il ne s'agit pas, pourtant, d'abandonner), dès qu'on s'écarte trop de ce à quoi nous pouvons et nous mesurer et nous rassurer, nous nous trouvons perdu, sans plus de repères. Nous ne savons plus ; bientôt nous rebroussons ; et la facilité l'emporte.  Il faudrait pourtant se trouver comme chez soi dans ces endroits inexplorés ; et continuer d'avancer, s'enfoncer plus encore dans ce qu'on ne comprend pas et qui pourrait bien mener nulle part. Il y aura bien une clairière et tant pis si c'est un précipice.  If you're going through hell, keep going. Churchill.

    30 septembre 2024

  • Machine (1)

    Je me suis envoyé un courriel avec plusieurs fichiers du texte en cours.

    Au moment d'écrire l'objet du courriel, je n'ai pu écrire "roman".

    J'ai écrit "machine".

    C'était d'ailleurs le titre d'un des fichiers.

    Dans le livre de Serge Bramly sur Léonard de Vinci (Lattès, 1988), j'ai lu :

    « Dans l'Italie du XVème siècle, les mots machine et édifice sont à peu près interchangeables. »

    Cristina Campo parlait du poème de Proust, d'aucuns parlent de sa cathédrale, il est aussi possible de parler de sa machine.

    9 septembre 2024 

     

     

  • Tout jeter

    Fin (lundi 5) du second nouveau chapitre (agrégat de 17 éléments sur 3 lignes de fuite). Dépressurisation, envie d'arrêter tout, (tout jeter ?) et de commencer autre chose. Une idée nouvelle vient. L'idée d'un nouveau roman, plus simple, plus court, plus facile (apparemment). Je la rumine trois jours sans discontinuer (ni dormir). Puis la tentation me vient d'en faire le chapitre trois. Même si ça n'a (presque) aucun rapport. Pas les mêmes personnages du tout. N'importe quoi. Envie d'argent facile, magique. (Hier, quelqu'un m'a parlé longuement du dernier Marc Levy. Du point de vue du business éditorial.) Ce qu'il faut, c'est une cuite sévère.

    9 février 2024

  • Cabane dans un champ de concombres

    Je ne pense pas que le terme roman, qui est désormais essentiellement un marqueur commercial, puisse encore s'appliquer à ce que j'écris. 

    Lu, grâce à Sabine Huyhn, la traductrice d'Ann Sexton, poète que je n'ai jamais lu : « Content dominates, but style is the master.» Drôle d'exécutif bicéphale. A comparer avec cette remarque de Claudel, dans « Sur le vers français", in Réflexions sur la poésie. « L'intelligence n'est pas plus la vertu fondamentale pour un poète que la prudence pour un militaire¹. Elle est nécessaire en seconde ligne. Elle critique ce que tu fais.» [(1) « Ou la probité chez un entrepreneur de travaux publics. »]

    Je donne un nom à un personnage ; aussitôt j'en trouve vingt-deux sur les réseaux. Avec des têtes à vous couper l'imagination. Je trafique le nom, le chosifie.

    Je crois vraiment nécessaire l'alternance dans le même texte de proses ressortissant des «deux éducations ». A la violence manifeste, qui attirera évidemment sur elle l'attention, doit répondre, selon le mot de Leo Strauss, la noble réserve et la calme grandeur. Quitte à ce que ces dernières demeurent incomprises...

    Je ne faisais que peu de différences entre drame et poème, ce qui me valait l'incompréhension des deux sectes. Le roman lui-même, au-delà de sa sclérose contemporaine, me paraît toujours évidemment lié à l'épopée, au chant de la colère d'Achille, ou à cet autre commencement prophétique  : « Votre terre est déserte, vos villes sont brûlées par le feu : les étrangers dévorent votre pays devant vous, et il sera désolé comme une terre ravagée par ses ennemis. Et la fille de Sion demeurera comme une loge de branchages dans une vigne, comme une cabane dans un champ de concombres, et comme une ville livrée au pillage. » Homère, donc. Et Isaïe, ici (I, 7-9) dans la traduction de Le Maître de Sacy. (Notons que le passage cité a donné à Jünger l'idée de donner ce titre ambivalent : La cabane dans la vigne à son journal de guerre des années 1944-1948, qui voient l'Allemagne à son tour détruite, ravagée par le feu, divisée.)

    31 janvier 2024