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  • Ce que sont les occidentaux

    La cohérence est le moins pratiqué des fanatismes.

    Vieux logicien, nom que Verlaine (et Banville après lui) donne au diable. (Mais peut-être cette appellation est-elle bien antérieure à Verlaine...)

    Les occidentaux sont des pellicules de bouviers.
    Du moins si je traduis les mots westerns, films et cow-boys.

    5 novembre 2024

  • Personne ne lit rien

    J'ai l'habitude, mauvaise évidemment, de dire que personne ne lit rien.

    Il est déjà arrivé que des gens qui souhaitent me passer une commande d'écriture, refusent de lire ce que j'ai écrit précédemment.
    L'auteur dramatique est un prestataire de service ; il écrit ce qu'on lui demande ; il est prié d'épouser nos idées ; moins son style est personnel, mieux c'est. 

    Paulina Dalmayer partage sur sa page FB un morceau du billet que j'ai ici consacré à son dernier roman, Les Utopistes : elle ne craint pas de dire (le 26 octobre 2024) que je suis son dixième lecteur (le roman est sorti le 1er février 2023 chez Grasset). Son précédent roman, Les Héroïques, avait eu très bonne presse ; celui-ci n'en a pas : manifestement, il est trop gros.
    Trop de mots.

    Je n'ai pas encore lu Le Gardien du verger de Cormac McCarthy, qui est récemment sorti dans la nouvelle collection de poche des éditions de l'Olivier.  On peut lire dans la présentation qui y est faite de l'écrivain, que ses deux derniers romans, Le Passager et Stella Maris forment un diptyque unanimement salué en France. Je ne doute pas de ce que dit l'éditeur ; mais au vu de la complexité de ces deux romans, et particulièrement du second, je crois vraiment que les critiques qui ont salué (coucou) ces romans ne les ont pas lus. Ils sont partis du principe que McCarthy c'était bien ; que c'étaient sans doute (et ce fut le cas) ses deux derniers romans, et qu'il n'y avait qu'à, somme toute, crier au chef d'œuvre. Parfois, les non-lecteurs tombent juste.

    28 octobre 2024

     

  • Improvisation

    C'est une improvisation très simple. Vous allez traverser le plateau en marchant. Tout le monde peut faire cela. Donc vous traverser le plateau en marchant de la façon qui vous sied, en jouant quelque chose ou en croyant ne rien jouer, et au moment exact où je taperai dans mes mains, vous sauterez sur une mine antipersonnel. Cette mine vous arrachera complètement la jambe de votre choix ainsi qu'une part non négligeable de vos organes génitaux. Après quoi il vous restera une minute pour crever sur le plateau en disant et c'est impératif entre deux et quatre vers de Rimbaud.
    Vous ne savez pas de vers de Rimbaud ?
    Même pas deux ?
    Vous n'êtes pas français ?
    Vous ne savez pas de vers de Rimbaud ?
    Mais comment êtes-vous arrivé ici ?
    Vous vous croyez à l'école publique ?
    Vous êtes français et vous ne savez pas de vers de Rimbaud, donc en réalité vous n'êtes pas français.
    Si vous ne savez pas de vers de Rimbaud il vous reste à jouer que vous êtes Rimbaud et que vous crevez en disant ce qui pourrait donc être, hachés par la douleur extrême, des vers de Rimbaud.
    Je dis Rimbaud mais je pourrais dire n'importe quel poète.
    Je ne sais pas, moi, si vous connaissez des vers de Rilke, vous pouvez les dire, mais en allemand. Les traductions, je n'en veux pas.
    Ce qui devrait vous sembler insurmontable, ce n'est pas de trouver deux vers à dire, mais de jouer que votre jambe et votre appareil génital ont été dispersés dans l'espace, littéralement soufflés dans la face du public.
    Mais non, votre problème, c'est de savoir quoi dire alors qu'il n'y a qu'à dire deux pauvres vers de ce pauvre Rimbaud. Cela prouve que même inculte vous restez français malgré tout. Mais que c'est triste quand même, mon Dieu, un français qui ne sait pas sa langue. Vous méritez bien de sauter sur une mine antipersonnel. Allez, c'est parti.

    (Brouillon)

    21 octobre 2024 

  • Le sonnet du prince

    Le poème trahit ; et dit la vérité.

    Giuseppe Tomasi di Lampedusa est mort en 1957, un an avant que Le Guépard, son unique roman, ne soit publié. Le célèbre film de Luchino Visconti sort en 1963.

    En 1998, on retrouve un fragment dont on ne sait où l'auteur l'aurait pu vouloir intercaler. Ce fragment a pour titre Le « Canzoniere » de la maison Salina. Ce fragment explique en somme que le prince Salina s'était laissé aller à écrire des sonnets (vingt-sept), qui permettent de comprendre qu'il était amoureux d'Angelica (la femme de son neveu Tancredi, qu'il considère comme son fils).

    Un seul sonnet, ajouté au roman, change complètement sa signification d'ensemble.

    Notons que l'auteur de l'édition, Giocchino Lanza Tomasi, est le fils adoptif de l'auteur, et qu'il a le tact (lui) de ne pas faire remarquer l'identité de situation du prince Salina et de son père, l'auteur du livre (probablement amoureux de la femme... de son fils adoptif). 

    Des vingt-sept sonnets du prince, le narrateur n'en conserve que deux pour la publication. Tout le fragment, ayant trait à la poésie, mériterait d'être cité ; je ne donne ici que la justification du narrateur, au-delà de l'éloge :

    « Puisque nous estimerions irrévérencieux d'exposer une figure respectable à tant de titres aux moqueries d'un public qui préfère l'obscurité dans la poésie seulement quand elle est préméditée et non pas, comme dans ce cas, lorsqu'elle vient d'une pathétique difficulté d'expression, nous avons préféré exercer une sévère censure et présenter seulement les quelques poésies les moins gâtées de tares ; elles révéleront un aspect inattendu de la personnalité de Don Fabrizio, qui, on l'espère, le fera aimer davantage à ceux qui ont pérégriné à travers les landes stériles de ces pages. »

    21 octobre 2024

    Giuseppe Tomas di Lampedusa, Le Guépard, traduction de Jean-Paul Manganaro, Seuil

  • Le repos du logicien

    Comme bien d'autres avant lui, il végéta longtemps dans quelque manuscrit, avant de finir inédit, grignoté par des rats de bibliothèque. « Tombeau d'un Je », Monsieur Hopop


    J'ai parlé ici-même il n'y a pas longtemps du formidable Théorème de Proust, de Thierry Marchaisse, grenade cryptologique jetée dans le champ de la critique proustienne (je tiens l'expression de l'auteur).
    Voici à présent, du même (si ce mot a un sens), 
    Monsieur Hopop. 

    Hopop, donc, c'est en quelque sorte le logicien au repos, amusé de lui-même et de l'absurdité de tout. Il a la légèreté profonde ; la mort fait mine de passer en souriant, et l'amour même a la douleur amortie.
    Il faut dire que ce Hopop est souventefois flanqué d'une Ziche plus ou moins sienne, qui vaut le détour et ne cède en rien au logicien, planquant ses espagnoles sous le joug des terroristes, code dont le pauvre Hopop n'a précisément pas la clé.

    Le nom du cher Hopop, houblonné malgré lui et fantasque à la Gide, prête à sourire, légèreté pulsée d'un petit restant de stress.
    Il semblerait même que les sérieux travaux du logicien Marchaisse sur l'œuvre double de Marcel Proust soient deux fois évoqués (mais j'ai pu en rater), une fois par cette expression : les phases de la consolidation mnésique chez le poussin ; une autre, à l'occasion d'ailleurs d'une erreur dans les principes (ce qui est sans doute plus grave que ça n'en a l'air), par celle-ci : traité sur la protomnèse des poussins. Le poussin vaudrait pour le proustien. Voilà qui semblera peut-être prouster le bouchon un peu trop loin pour les amateurs de sérieux (et qui ne veulent pas savoir (sont-ils bouchés !) de quoi celui-là (le sérieux, pas le bouchon) est fait, en vérité je vous le dis).

    Enfin, comme dit Monsieur Hopop, bernanosant à l'occasion, ce n'est pas toujours évident d'avoir une vie intérieure. Heureusement, après les extraits choisis des carnets dudit Hopop, les « Paraboles en kit » occupant le milieu de l'ouvrage, peuvent aider :
    « Axiome du sujet : Où qu'il aille avec sa tête, son cul suit. » 

    L'ouvrage se clôt sur six fantaisies charmantes, logiques ou grivoises ou parodiant Diderot, dont le magnifique « Koan du petit peintre », qui éclaire tout. Ou pas. Ou presque. Mais qui éclaire. Et qui est clair. Si.

    4 décembre 2024

    Thierry Marchaisse, Monsieur Hopop, éditions Thierry Marchaisse 2024