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Ciels de synthèse - Page 13

  • The Sunset Limited, de Cormac McCarthy

    The Sunset Limited est un pièce de théâtre, un huis clos. Publiée aux USA en 2006, elle n'est pas traduite en français ; mais on peut sans doute regarder le film qu'a tourné Tommy Lee Jones, dans lequel il donne la réplique à Samuel L. Jackson.
    Elle met aux prises, dans le même appartement new yorkais miteux, du début à la fin, deux hommes qui ne se connaissent pas et n'avaient rien pour se rencontrer : un professeur blanc, savant, désabusé, qui vient de rater à l'instant une tentative de suicide et un homme noir, ancien taulard, très pauvre et satisfait de l'être, converti au Christ par la Bible.  Le second empêche le premier de sortir tant qu'il ne lui aura pas fait la promesse de ne pas recommencer son geste suicidaire du matin, qui consistait à se jeter sous les roues du train.
    On retrouve ici, en condensé, un certain nombre des obsessions du romancier. Je trouve plaisant la façon dont McCarthy fait parler ses personnages : l'oralité est puissamment présente, et diffère avec les personnages et les moments ; une transposition en français de cela serait très difficile, et paraîtrait sans doute très artificielle. But here you is.
    (On imagine encore mal en français, je crois, qu'une certaine profondeur de vue soit compatible avec une forme de mal parler ; on tolère un Céline parce qu'il a stylisé très fort une oralité qui n'existe qu'écrite, et parce qu'il doit rester seul.)
    Il me semble important de comprendre que ce court livre de McCarthy est une clé de lecture de l'ensemble de son œuvre et que, significativement, elle n'est pas écrite sous forme romanesque. (L'auteur a écrit en 1995 une autre pièce, non traduite, The Stonemason, dont je ne sais rien.)
    Je note que l'édition anglaise, même pour un écrivain aussi connu désormais que Cormac McCarthy, se croit obligée de préciser sur la couverture que cette pièce de théâtre est a novel in dramatic form. Et comme si cela ne suffisait pas, d'ajouter que cela grips from the very first page, ce qui doit être vrai puisque c'est le Financial Times qui le dit.

    29 août 2024

    Cormac McCarthy, The Sunset Limited, Picador 2010

  • Short

    Je me disais fort inutilement  que si l'on avait francisé la prononciation de short comme on avait fait de celle de sport et de comfort, les gens porteraient des [chores]. Puis mon esprit vagabonda, et songeant aux mots en ort, s'avisa tout à coup que le mot port était le masculin du mot porte, et le mot porte le féminin du mot port, ce qui est parfaitement logique. On entre dans une ville maritime par son port, qui est une porte.

    2 septembre 2024

  • Nous autres, de Zamiatine

    Le premier. 1920. Sans lui, ni Huxley ni Orwell.
    Poursuite du bonheur façon soviet.
    Etat Unique.
    Désindividuation. Numéros. D-505, le narrateur, va penser. Donc trahir.
    Couvre-feu. Guerre à l'imagination. Et aux plaisirs (y compris alcool, tabac).
    Conquête spatiale.
    Découplage sexe/reproduction.
    On y est.

    « Ecoutez, dis-je à mon voisin en le tirant par la manche. Ecoutez, je vous dis ! Répondez-moi : de l'autre côté de la limite de votre univers fini, qu'y a-t-il ? »

    Zamiatine est d'une grande finesse sensible.
    Son écriture est d'une grande économie. La poésie partout affleure.
    On est presque surpris que livre ne soit pas en vers.

    « Seuls les anciens connaissaient la pitié, résultat d'une profonde ignorance de l'arithmétique, qui nous paraît ridicule à l'heure actuelle. »

    (Il y a un lien, je crois de plus en plus, entre le vers et la technologie.
    Un lien logique.)

    (De toute façon, si l'on considère que les langues ont toujours eu deux régimes, vers et prose, la disparition de l'un n'est que le prodrome de la disparition de l'autre. Et appeler vers n'importe quoi ne change rien à la chose.)

    21 mai & 3 septembre 2024

    Eugène Zamiatine, Nous autres, traduction de B. Cauvet-Duhamel, Gallimard, 1971. (Notons que plusieurs nouvelles traductions sont récemment sorties.)

     

     

  • Sur *Le Passager* de Cormac McCarthy

    J'ai lu ce roman en septembre 2023 et je lai relu en juillet 2024. Cette fois encore, je me suis senti comme en plein jour et comme chez moi dans ce livre très sombre. L'intrigue, ténue, presque perdue dans des conversations libres, m'est apparue plus claire. Le souvenir de ma lecture de Stella Maris en octobre 2023 l'a beaucoup éclairée. Je vais devoir maintenant relire Stella Maris. L'idée venue lors de la première lecture de ces deux romans ensemble considérés comme un dispositif, que McCarthy modifie vraiment quelque chose d'important (que j'essaierai de préciser plus tard, peut-être) dans la constitution littéraire du roman, qui pourrait éventuellement lui permettre de survivre au siècle qui vient, est demeurée intacte, et s'est considérablement renforcée ; bien que je doute que le mot roman ait grand avenir devant lui. 

    29 août 2024