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Ciels de synthèse - Page 15

  • Fin.

    J'ai mis ces temps-ci la dernière main à ce qui devrait donner un livre d'une petite centaine de pages, dont je ne pourrai pas éviter qu'il soit jeté dans la catégorie des poèmes ou des poésies, ce qui, au vu des parutions utilisant aujourd'hui ces substantifs, est proprement désespérant. 

    L'ensemble s'appelle Temps pour temps, s'est écrit entre 2018 et aujourd'hui, et intègre en seconde partie une version remaniée de ma petite Lettre ouverte à l'Intendant du Domaine, écrite en 2019 et publiée en 2020.

    Le texte introductif que je viens de terminer m'apparaît comme un testament. Personne, à mon avis, ne viendra réclamer l'héritage. Fin.

  • À hauteur

    Plus votre idée de quelque chose est haute, plus est grand le nombre des gens vous paraissant dans l'exercice médiocres et nuls. (Un tel axiome ne tient pas compte, évidemment, des amitiés réelles, qui poussent au silence ou à l'indulgence plus ou moins coupables, ni des inévitables mondanités, hypocrisies, arrivismes divers.) Ceux en revanche qui, malgré qu'ils en aient, ont une idée médiocre de la chose en question, peuvent entamer tranquillement une carrière sur la foi de la reconnaissance de leurs pairs, puisqu'ils trouvent agréable d'en avoir ; ainsi que sur les œuvres et manœuvres des trafics d'influence (puisque c'est dans la mafia du milieu que tout se joue, des coudes ou des couilles). Pour l'homme de l'idée haute, hors des moments nécessaires d'exaltation solitaire, un certain réalisme consenti doit fréquemment le faire douter de se trouver à hauteur ; non moins qu'il lui fera mépriser, et dans le meilleur des cas ignorer, ces médiocres de la carrière ; ce qui pourra même, dans certains cas, le faire se trouver nul.

    (Note préparatoire à un papier pour une revue de poésie)

  • Pause

    Un mois sans mettre une ligne dans le roman. Envie de changer tout à fait de registre, de langue, de tout. Avant que ma tête n'éclate. Tout ça est à l'arrêt. Aucune importance.

    Je fais très lentement des textes très courts, dans une langue classique. A grande distance. Repos. 

    Je lis. Faulkner (quel poète : il y a de longs poèmes en prose).Le texte émouvant du prochain spectacle de Fred Pougeard. Vila-Matas (que je découvre et qui m'intéresse et m'agace à la fois). Kipling. Debray (mouais, mouais, mouais). Prazan (intéressant). 

    Bientôt Suarès ou Joseph Joubert. Peut-être Gracq (avec beaucoup de café).

    J'ai retravaillé à Temps pour temps. J'ai fait une version modifiée de la Lettre à l'Intendant du domaine, que j'ai fait suivre de deux textes très courts. On va grouper tout ça et on verra.

    J'ai tenu 35 minutes dans l'interview de Poutine par Tucker Carlson. Il y a deux semaines déjà. Je m'étais dit qu'il faudrait regarder la suite et je ne l'ai pas fait. A quoi bon ? 

    Pourquoi, finalement, devrais-je m'intéresser à ce à quoi je ne puis rien ? C'est aussi ridicule que de raconter sa vie. Et j'ai du bois à fendre.

    Le soi-disant poète Maulpoix a cogné vingt ans sa femme (je ne dis pas soi-disant parce qu'il tape, mais pour le mot poète dont il faut bien admettre qu'il pue le siècle. Et puis, ces fayots de premiers de la classe m'emmerdent depuis longtemps.). J'ai envoyé un petit commentaire là-dessus à Pierre Perrin, de la revue Possibles, qui m'a demandé un texte, proposé de tourner et retourner le fiel (je me sens peu fielleux, finalement) et de sulfater à satiété (ça me va déjà mieux). Je lui ai dit que je voulais aussi faire un éloge. 

    (Je pense parfois que les journalistes et autres animateurs à la con sont les poètes de notre époque et qu'eux aussi, globalement, font vraiment de la merde. il faut bien ça.)

    11 mars 2024

     

     

     

  • Discours et poésie

    Les discours sur l'amour m'ennuient. Tous les discoureurs mentent et mentent mal, en prose ainsi qu'en vers, ce qui serait pire si leurs vers en étaient. Un fonctionnaire, qui faisait des poèmes à la mode pour conquérir des positions institutionnelles, causa lyrisme amour et poésie à tout bout de page et cogna vingt ans sur sa femme. À croire que le calme après les coups lui tenait lieu d'ataraxie de fortune d'où palabrer ces éthèrements de vide garçon. « Si ça a duré aussi longtemps, c’est que cette masse négative générait du positif. » Tu m'étonnes, Ducon. La lutte pour les positions institutionnelles est âpre et notre époque produit à flux tendu ce type de pompe à merde. Le vainqueur de ces joutes pour les prix et les bourses, normalien comme il se doigte en France, fait le délice des amateurs (qu'ils soient ou non à matrice), dont les genoux sont khâgneux à force d'extraire à coups de langue telle substantifique moelle.

    29 février 2024

  • La loi du plus fort 2

    « Beaucoup de mes critiques ont caractérisé ma position comme un pessimisme extrême. Je proteste énergiquement. Au contraire, il s’agirait plutôt d’un optimisme extrême. Il est vrai que ces notions de pessimisme et d’optimisme, je les comprends dans un sens qui n’est pas du tout leur sens vulgaire. Imagine la situation suivante. Notre unité est encerclée par l’ennemi, qui nous est largement supérieur. Un homme déclare que l’ennemi est faible et que nous l’écraserons. Dira-t-on de lui que c’est un optimiste ? Un autre annonce que l’ennemi est beaucoup plus fort que nous et que nous n’avons aucune chance de nous en sortir. Dira-t-on de lui que c’est un pessimiste ? Non, évidemment. Pessimisme et optimisme sont des phénomènes d’ordre psychologique, qui n’ont rien à voir avec la situation décrite. Celui qui dira que nous sommes condamnés et que c’est pourquoi nous devons combattre jusqu’au bout (comme disent les Russes, tant qu’à mourir, il faut le faire en musique), celui-là ne sera pas un pessimiste. Ce sera un optimiste, mais d’une espèce particulière : un optimiste historique. L’optimisme historique signifie qu’on sait la vérité, si cruelle qu’elle soit, et qu’on est déterminé à se battre, quoi qu’il en coûte. L’optimisme historique ne compte sur rien ni personne, sauf sur soi-même et sur la bagarre.

    Mais la bagarre est une affaire sérieuse. Elle a ses lois, sans le respect desquelles elle perd sa grande portée historique. J’en citerai une, à titre d’exemple, une loi qui, à mon sens, est essentielle à notre époque.

    Au cours de mon enfance et de mon adolescence, il m’est souvent arrivé de me battre, et jamais de ma propre initiative : je ne faisais que me défendre. Lorsque mon adversaire était en gros mon égal sur le plan de la force, l’issue de la bagarre tournait parfois à mon avantage, parfois à celui de l’adversaire. Mais si cet adversaire était sensiblement plus fort que moi et que l’attaque fût le fait de plusieurs personnes, alors, de façon générale, je gagnais ou du moins je n’essuyais pas de défaite. Pourquoi ? Ce phénomène à première vue étrange s’explique très simplement, comme on le verra sur cet exemple. Un jour, des garçons d’une rue voisine me tendirent une embuscade. Ils étaient une dizaine, dont beaucoup étaient individuellement plus forts que moi. Je leur annonçai : « Le premier qui me touche, je lui arrache un œil, et ensuite vous pourrez faire de moi ce que vous voudrez ! » Ils me connaissaient et savaient que je tiendrais parole. Ils me laissèrent partir. Cet exemple est très instructif. Ils étaient beaucoup plus forts que moi et c’est pourquoi ils voulaient me rosser, sans avoir pourtant à souffrir. Ils ne voulaient rien perdre. Tandis que moi, je n’avais pas d’autre issue que de me battre par tous les moyens dont je pouvais disposer. J’étais prêt à tout perdre, mais en même temps à porter à mes ennemis tout le préjudice que j’étais capable de leur infliger. Par la suite, je généralisai cette expérience en un principe moral particulier que voici : défends-toi toujours et en toute situation. Si l’ennemi qui t’agresse est beaucoup plus fort que toi, tu as le droit moral d’employer tous les moyens dont tu disposes pour te défendre. Qui plus est, tu dois te battre jusqu’au bout, sans craindre aucune perte et en infligeant à l’ennemi tout le préjudice dont tu es capable. Je crois qu’à notre époque, lorsque l’individu subit le poids écrasant des grandes collectivités humaines et de l’Etat tout entier, ce principe moral va de soi et se justifie par une inégalité des forces. Il s’applique parfaitement aux rapports entre les petits pays et les immenses états qui les surpassent incommensurablement par leur puissance militaire. Etre prêt à subir n’importe quelle perte et à se battre jusqu’au bout, être prêt à infliger de sérieux préjudices à l’ennemi, voilà qui est un facteur important dans la lutte et qui réduit parfois à néant tous les avantages du puissant. Ce facteur n’est efficace qu’en tant que moyen de défense, mais en aucun cas il ne peut servir l’attaque, car il suscite alors une résistance qui le dépasse. »

    Alexandre Zinoviev, Nous et l’Occident, L'Age d'Homme, 1979. Extrait tiré de la lettre à André M, intitulée « La bagarre est une affaire sérieuse ».   

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