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Politique

  • L'homme configuré

    Norbert Wiener dans Cybernétique et société en 1954 :

    « Il n'y a pas de distinction absolue entre les types de transmission que nous utilisons pour envoyer un télégramme d'un pays à un autre et ceux qui sont du moins théoriquement possibles pour transmettre un organisme vivant tel un être humain. Admettons donc l'idée selon laquelle nous puissions voyager par le télégraphe, outre le train et l'avion, n'est pas intrinsèquement absurde, aussi lointaine que puisse être sa réalisation. »

    Internet a évidemment succédé au télégraphe. 

    Wiener, auquel la bombe atomique a posé quelques soucis éthiques, a fini par comprendre que celle-ci n'était rien en comparaison des affres qu'ouvrait ce qu'il a nommé cybernétique. Je cite ci-dessous (comme d'ailleurs ci-dessus) le remarquable texte de 2014 de Cassou-Noguès, Les rêves cybernétiques de Norbert Wiener :

    «Wiener commence par opposer la mécanisation de l'humain, avec l'usine automatique, et l'humanisation de la machine, avec l'image de la prothèse. La machine doit se soumettre à la volonté humaine. La machine ne doit pas être usine mais prothèse. Seulement les prothèses ont, pour ainsi dire, mangé le corps humain. Elles en ont remplacé toutes les parties, de sorte que c'est finalement dans une machine que l'humain prétend s'incarner. Et justement, que reste-t-il d'humain dans le dispositif ? »

     

    22 janvier 2025

     

  • Descartes, Pascal, Brisville

    Dans Le Souper, Brisville mettait face à face, un mois après la défaite de Waterloo, dans un Paris occupé par les Anglais, les Prussiens et les Russes, Talleyrand et Fouché. Il était tenu par l'Histoire à faire s'entendre ces deux tordus de talent. On ne sent pas d'ailleurs qu'il prenne davantage le parti de l'un que celui de l'autre.
    Dans L'entretien de M. Descartes avec M. Pascal le Jeune, en revanche, l'auteur n'est tenu à aucune conformité historique ; seuls les ouvrages et biographies des deux penseurs lui tiennent lieu de guide. Volonté ou non, la pièce nous somme de choisir entre deux penseurs aux idées et aux actions si différentes (en ces matières je suis très volontiers Péguy et tiens qu'il faut comparer les idées aux idées et les actions aux actions). Je ne pensais pas si nettement pencher pour René Descartes (d'autant que j'ai vraiment beaucoup lu Pascal, dont l'édition Le Guern des Pensées m'a servi souventefois de livre de chevet) ; je pourrais en accuser un peu la façon dont Brisville traite Pascal, mais je crois que ce ne serait pas juste. Pascal en effet y apparaît d'abord comme une manière de jeune janséniste forcené, souffreteux et reniant la raison pour le salut de son âme, et cela fait surtout comprendre que le désordre des Pensées nous permet de lire le Pascal que nous souhaitons, et de sortir à volonté tel morceau de tout contexte et de le faire entrer en résonnance avec ce que nous « pensons », nous. Descartes est moins commode à utiliser à son gré, puisqu'il a abouti ses grands ouvrages. L'homme Descartes a vécu davantage ; il est prudent et réfléchi et sait qu'il n'est pas courageux tous les jours. Le champion de la raison cultive le désœuvrement et rappelle que sa science lui est venue d'une série de trois rêves ; quant à son dieu, il est si pensé qu'il ne ressemble point à celui dont témoigne Pascal.

    « PASCAL. Ainsi, vous ne feriez rien pour convaincre un interlocuteur de bonne foi ?
    DESCARTES. J'abandonne ce soin à mes travaux qui sont chez le libraire, et me garde ma liberté. Il n'est rien tant à quoi je tienne. »

    S'il faut trouver un point commun aux deux personnages de L'Entretien Brisville, ce serait cette étrangeté qui fait qu'aucun des deux ne recherche la gloire et même que tous deux, quoique fort différemment, la fuient.

    20 janvier 2025

    Jean-Claude Brisville, Le Souper, suivi de L'Entretien de M. Descartes et de M. Pascal le Jeune, et de L'Antichambre, Babel Actes Sud

  • Dantec 1999

    Je suis dans la librairie, je prends sur un rayon le poche du Théâtre des opérations (journal métaphysique et polémique 1999) de Dantec et l'ouvre au hasard :

    « Il faut donc bien saisir cela : l'écologie humanitaire qui marche aux bons sentiments ou au charlatanisme new age, ne veut tout compte fait qu'établir une stricte conservation de cet état du monde (et pour certains, restaurer l'ancien, avant la venue de l'industrie, voire de l'homme lui-même), elle refuse de comprendre que pour assurer sa survie l'homme devra entreprendre le surpassement, la transformation effective, écosystémique et globale de ce monde.
    Car avant de terraformer Mars, il est clair désormais que nous allons devoir terraformer la Terre. » 

     

    8 janvier 2025

     

  • Prométhée

    PROMÉTHÉE
    Ce que mon cœur souhaite est aussi l'avenir.

    Ce n'est pas tant que l'homme soit bon, loin de là, mais il est meilleur que les Dieux.
    Prométhée enchaîné est une pièce sans action. Je la relis dans une traduction en vers de Pierre Demoulin. Etrangement (ou non), elle a moins vieilli que les proses (et la récente adaptation de Py).
    On enchaîne Prométhée à la première scène, et il est toujours enchaîné à la fin de la dernière. Du moins a-t-on appris qui le délivrerait. Deux pièces plus tard, puisqu'Eschyle a écrit une trilogie (les deux derniers opus sont perdus.)

    Prométhée, c'est le feu donné aux hommes, bien sûr ; mais pas seulement. C'est aussi les maisons de brique et de charpente, la compréhension du retour des saisons, le Nombre (la plus pure invention), l'écriture, les arts, le dressage et la domestication des animaux, le navire, l'airain, le fer, l'argent et l'or... Mais la prédiction, également.
    Chez l'Homme, tous les arts viennent de Prométhée. (Prométhée)
    Rien ne dit, donc, que ce soit terminé (et par arts il faut entendre ici toutes les techniques, technologies incluses.)

    Ce qui est certain, c'est que Zeus est un tyran terrible. Qui règne par la force. Et terrorise même les Dieux (Héphaïstos, notamment). A la force prédatrice de Zeus (et de la nature), Prométhée (annonçant peut-être Ulysse) oppose la ruse et ses techniques (arts).

    La pièce d'Eschyle est sans action apparente aucune et on se demande ce qui peut bien amener Io à ce toit du monde de Scythie où est enchaîné Prométhée, qui a volé aux Dieux le feu.
    Le hasard ?
    Non.
    Eschyle.
    Car le poète ici (Shakespeare Ier, selon Victor Hugo, puisque pour lui Shakespeare est Eschyle II (je plaisante)), à défaut d'action dramatique, fait une démonstration, et, comme il se doit, il la fait entre les lignes. Le fait qu'un des petit-fils d'Io doive être plus tard le libérateur de Prométhée ne nécessitait pas la présence d'Io, puisque de ce fait là, Prométhée, qui connaît l'avenir, est déjà au courant.

    Io est là pour montrer que la tyrannie de Zeus est complète et ne s'adresse pas qu'à Prométhée ; elle empêche toute civilisation ; elle est la sauvagerie même et veut y ramener les hommes (c'est pour leur avoir donné conscience, technique et partant, civilisation, que Prométhée est supplicié, quoi qu'il sache que son supplice aura un terme).
    Le châtiment d'Io est terrible en effet ; pour avoir refusé de se donner à Zeus (qui prend par force ce qu'il veut), ce dernier l'a transformée en génisse, errant paniquée dans le monde, poursuivie par un taon. Encore la pauvre n'est-elle pas au bout de ses supplices.
    Il fallait à Eschyle cet élément féminin pourtant (techniquement) étranger au drame de Prométhée.

    IO
    Le sceptre du tyran, qui pourrait donc le prendre ?

    PROMÉTHÉE
    Lui-même le perdra par son esprit dément.

     

    6 janvier 2025

     

  • Guerre froide. La solution logique

    — Le détroit de Behring, large de 85 kilomètres et séparant, du cap Prince-de-Galles au cap Dejnev,  les Etats-Unis d'Amérique de la Russie (soviétique ou non), il serait louable, plutôt que d'embraser le monde entier dans un conflit nucléaire total, ou dans une série de conflits de moindre envergure, de construire une manière de ring que l'on ferait flotter (les moyens techniques le permettant aisément) à 42,5 kilomètres de chacun des caps. Là, accord étant trouvé sur la discipline sportive et les nationalités des arbitres, deux champions, un seul Horace, un seul Curiace, appartenant à chacune des nations s'affronteraient en un combat loyal, à l'issue duquel le pays du perdant passerait intégralement sous la coupe du pays du vainqueur. Si, dans un souci de représentation politique, chaque pays décidait d'envoyer son chef d'Etat, les modalités d'accession au pouvoir seraient certainement à revoir (et la démocratie serait sans doute révoquée pour longtemps, jusque même dans ses apparences).
    — La logique ne pourra décidément jamais rien pour ce monde, camarade.

    (Brouillon pour machine)

    2 octobre 2024