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IA

  • urtheatron

    Cette fois, je me suis égaré tout à fait. C'est certain.

    J'ai rechuté. Plus grave crise depuis 2011, Une pièce parfaite, Personne, et 2012, La fin du monde (prologue). Je n'aurais pas dû remettre un œil dans Mallarmé.

    Le drame bref, plus court encore qu'avant, m'est apparu, de façon parfaitement abrutie, comme une forme neuve, peut-être même d'autant plus nécessaire que nul, je crois, n'en fera rien, au sens de faire concrètement advenir la chose sur la scène (ouf).

    J'ai mis à jour mes conditions personnelles d'utilisation du théâtre (urtheatron). Puis j'ai pris un morceau de la machine en cours  concernant l'astronaute perdue (ce que je peux m'en foutre, au fond) et je me suis lancé dans l'écriture prose/vers de la chose. Commencée le 19 février. Touche à sa fin aujourd'hui, le 17 mars. Moins de 2000 mots (environ 15 minutes parlées.)

    Sont passés dans cette moulinette condensatoire presque tout ce qui traîne depuis des siècles dans ma caboche. En mode synthétique, donc. Comme les ciels. Cette fois pas salopés d'amour.

    Tout ça pour ça. Et je tiens que ce n'est pas très jouable. A cause, il faut le dire, des parenthèses. 

    17 mars 2025

  • Après la finitude

    Meillassoux enfonce toute la philosophie depuis Kant (si l'on excepte une concession de complaisance universitaire à Badiou). Ce monsieur est décidément le saboteur de la Continentale !
    Prenons une métaphore imbécile : dans un exercice de peinture de plafond, les mathématiciens ont enlevé l'échelle il y a bientôt 400 ans, et les philosophes continuent de prétendre qu'ils sont quand même accrochés au pinceau. (Sans s'apercevoir jamais que plus personne, sauf eux-mêmes, ne peut les prendre au sérieux.)


    En somme, depuis Galilée et Copernic et la mathématisation de la nature, qui permet que soient pensées des choses en soi, parfaitement indifférentes à l'existence même d'êtres humains, et partant des temps mêmes d'avant l'apparition de la vie (sans parler de celle de la conscience), les philosophes n'ont pas cessé de développer des pensées nécessitant de conserver ce sujet sans lequel aucun étant ne pourrait vraiment être ; c'est à-dire que leur pensée suppose toujours, d'une façon ou d'une autre, que les choses ne peuvent être que pour le bonhomme qui les pense. (Meillassoux dit en somme qu'au moment où les scientifiques élargissaient considérablement le cadre, les philosophes, voulant les dépasser plus encore que leur emboîter le pas, en sont revenus à Ptolémée ! Et tout ça en déployant des trésors d'intelligence et d'inventivité !)
    400 ans de ratage ; 1900 ans de retard.
    Sa démonstration est des plus importantes, mais il faut 115 pages serrées à Meillassoux pour en arriver à ce que chacun sait, sauf les philosophes : que les choses existent en-dehors de nous et de notre perception ; mais au moins, c'est fait.


    Le livre de Meillassoux propose donc de repartir de Descartes (puis de Hume), de maintenir l'absolu qui ne sera plus ici Dieu ni rien de métaphysique, mais la contingence elle-même (je résume à la machette).
    L'erreur logique des philosophes fut donc de supprimer l'absolu au motif que la métaphysique en supposait un (Dieu par exemple), sans comprendre que cela ne signifiait pas nécessairement que tout absolu fût métaphysique. Et de bâtir là-dessus tout l'édifice, soutenu toujours de cette prétention démesurée qui ricane une manière de oui, oui, les mathématiciens ont bien raison à leur niveau mais nous, les philosophes de droit divin malgré nous, nous savons parfaitement en déduire exactement l'inverse !

    Après la finitude demanderait sans doute à ce que la suite véritable ne consiste pas surtout en une réfutation interminable des erreurs du passé, mais je crois que personne ne parviendra à lâcher complètement l'universitaire pinceau continental pour se jeter ainsi dans le vide (si je file un peu ma métaphore). 

    8 mars 2025

    Quentin Meillassoux, Après la finitude, Seuil, 2006

  • L'homme configuré

    Norbert Wiener dans Cybernétique et société en 1954 :

    « Il n'y a pas de distinction absolue entre les types de transmission que nous utilisons pour envoyer un télégramme d'un pays à un autre et ceux qui sont du moins théoriquement possibles pour transmettre un organisme vivant tel un être humain. Admettons donc l'idée selon laquelle nous puissions voyager par le télégraphe, outre le train et l'avion, n'est pas intrinsèquement absurde, aussi lointaine que puisse être sa réalisation. »

    Internet a évidemment succédé au télégraphe. 

    Wiener, auquel la bombe atomique a posé quelques soucis éthiques, a fini par comprendre que celle-ci n'était rien en comparaison des affres qu'ouvrait ce qu'il a nommé cybernétique. Je cite ci-dessous (comme d'ailleurs ci-dessus) le remarquable texte de 2014 de Cassou-Noguès, Les rêves cybernétiques de Norbert Wiener :

    «Wiener commence par opposer la mécanisation de l'humain, avec l'usine automatique, et l'humanisation de la machine, avec l'image de la prothèse. La machine doit se soumettre à la volonté humaine. La machine ne doit pas être usine mais prothèse. Seulement les prothèses ont, pour ainsi dire, mangé le corps humain. Elles en ont remplacé toutes les parties, de sorte que c'est finalement dans une machine que l'humain prétend s'incarner. Et justement, que reste-t-il d'humain dans le dispositif ? »

     

    22 janvier 2025

     

  • Affabulations, tutoiements & repentirs

    Où il est prouvé que je suis l'abbé Sieyès, Voltaire, et, ô influence inconnue, Jacques Stephen Alexis. Et finalement, non. Ce jeu potache n'a sans doute pu avoir lieu que par l'utilisation des versions gratuites des intelligences artificielles Chat GPT et Claude. N'empêche, cette manie d'affabuler est ce que je rencontre de plus humain dans la machine, la langue me paraissant parfaitement plate.

     

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  • Vortex 3

    « Depuis quand Dieu permet-il aux machines de prendre la parole ? demandait Edison, dans L'Eve future de Villiers de l'Isle-Adam. »

    Toute la partie réaliste du roman publié en 2003 se déroule entre 1989 et 2001, entre la chute du Mur et le 11 septembre. Mais de même que l'Histoire a mené là les protagonistes, eux vont mener l'histoire au-delà de leur propre vie. Les enquêtes commencent avec des fax dans un monde fumeur, on voit Internet arriver doucement et plus violemment le chaos dans la société française, les machines (institutionnelles et technologiques) prendre le pas sur des humains qui se refusent à devenir machines et à rivaliser avec elles, à les doubler dans un monde (ou un anti-monde) à elles inaccessible. Le roman se termine dans le futur avec des hommes presque vivants et connectés par IA cérébralement implantée à la bibliothèque mondiale ; car comme l'avait dit Wolfmann, « désormais les guerres à venir seraient des guerres conduites entre des bibliothèques rivales ».

    Certaines pistes policières du roman n'ont pas été explorées. L'écho qu'elles ont avec certaines actualités le fait presque regretter. Par exemple, ce qui qui suit, dit par l'ex-soldat répondant au pseudonyme de Carnaval :

    « Sachez que votre tueur n'enlève peut-être pas lui-même ses victimes. Sachez qu'il existe un circuit sur le marché noir, un circuit qui a pour tâche de revendre de jeunes enfants ou des adolescents à des pervers sadiques. Il y a des kidnappeurs professionnels, branchés avec ses réseaux, et ils les fournissent en chair fraîche, même Wolfmann a du mal à intégrer cette idée, mais c'est une certitude. »

    Si Villa Vortex était réduit à ses enquêtes policières successives, lesquelles échouent d'ailleurs toutes, sa puissance balaierait encore la plupart des romans de sa décennie. Les deux cents pages finales (j'ai séché les cinquante dernières) où le roman poursuit pour ainsi dire sur sa lancée après la mort de tous ses personnages (Kernal, Nitzos, Wolfmann, Mazarin, le tueur des centrales) sont trop longues (il faut cinquante pages avant que Narkos ne naisse de la fusion des personnages morts dans quoi ? sinon le cerveau de l'auteur Dantec sur lequel nous sommes branchés) mais devaient être tentées. Et s'il est amusant de relire en 2024 les errances terminales de ce Narkos naviguant entre la vie et la mort, c'est aussi parce qu'elles sont censées avoir lieu en « octobre de l'An 72 Après-la-Bombe », donc en octobre 2017, et que la prophétie de Dantec ne manque pas d'humour...

    « Ensuite la machine à écrire vivante se branche sur le réseau mondial du flux satellitaire de l'information permanente : les Troupes de la République corse du Val-de-Marne appellent à marcher sur les lignes tenues par la Fraction Révolutionnaire Anarchiste de Disneypolis. En réponse, le Rassemblement Unitaire anti-fédéral a repris sa compagne contre les positions tenues par la Garde François Mitterrand du Front Socialiste pour l'Instauration Obligatoire de la Liberté, et ce dans toute la banlieue est. La machine zappe, court d'une fréquence à l'autre : le Groupe Salafiste pour le jihâd et la conservation de la foi dans les territoires occupés de la Seine-Saint-Denis a semble-t-il entrepris des représailles contre ses rivaux du Mouvement Islamique pour l'instauration immédiate de la charia-Commandement Général Nord. Mais la pression exercée sur lui par les soldats de l'Union pour la Croisade Républicaine l'oblige à interrompre ses opérations. »

    Et ainsi de suite quatre pages durant. On peut en rire... parce que, visiblement, c'était déjà mort en 2003.

    7 janvier 2024

    Maurice G. Dantec, Villa vortex, Gallimard (la noire), 2003