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Livre - Page 9

  • Par cœur

    Rien n'est plus naturel que de considérer toutes choses à partir de soi, choisi comme centre du monde ; on se trouve par là capable de condamner le monde sans même vouloir entendre ses discours trompeurs. Debord, Panégyrique

    J'ai envie de relire Le Passager de Cormac McCarthy, que j'ai fini il y a quelques semaines (et Stella Maris dans la foulée) ; ses toutes premières pages, enregistrées comme simples informations à la première lecture, me troublent à présent.

    Relativement nombreux sont les livres que je relis à présent ; rares sont ceux qu'on relit à peine les a-t-on refermés. Panégyrique avait provoqué plusieurs lectures successives. J'en connais des passages par cœur.

    On n'aime pas nécessairement ce qu'on voudrait aimer, ni ce que sincèrement on dit aimer. Je crois de plus en plus que la poésie qu'on aime, c'est celle qu'on sait par cœur ; pire, c'est ce qu'on sait par cœur, et tant mieux après tout si ce n'est pas de la poésie. (Il ne reste peut-être, à nombre de gens, que quelques fables de La Fontaine, mais c'est beaucoup mieux que tant de choses, pour peu qu'on se mette à les entendre...). Je me demande si l'ami Fred Pougeard serait d'accord (oui et non, j'imagine...).

    Le seul livre sur la poésie auquel je reviens souvent, au point d'en connaître par cœur quelques courts passages, c'est le bref Sur le vers français de Claudel, écrit à Tokio le 7 janvier 1925, qu'on trouve dans ses Réflexions sur la poésie. L'incipit :

    On ne pense pas d'une manière continue, pas davantage qu'on ne sent d'une manière continue ou qu'on ne vit d'une manière continue. Il y a des coupures, il y a intervention du néant. La pensée bat comme la cervelle et le cœur.

    23 octobre 2023

     

  • Jetables

    Le roman sociologique européen a vécu. Certains auteurs français parmi les moins médiocres s'y échinent encore. Leurs livres sont au mieux prenants, le temps de la lecture. Ils n'en demeurent pas moins jetables : on ne les lira pas deux fois, si même on va au bout. Les lecteurs qui les lisent s'identifient mollement aux personnages un peu falots qui hélas leur ressemblent, et sont plus ou moins politiquement d'accord avec ces auteurs qui, tout de même, exagèrent, les coquins (mais "c'est pour ça, comme Houellebecq, qu'on les aime...").

    (Who ails tongue coddeau, aspace of dumbisilly? Joyce, Finnegans Wake)

    Le roman a donc l'air d'une survivance du XIXème siècle, considérablement affaiblie par ses propres mutations dans le cours du temps, survivance à laquelle nous serions tenus, faute de quoi que ce soit d'autre ; c'est un miracle déjà qu'il ait tenu jusqu'aux années 1960 (sa persistance depuis est un fait de commerce et d'habitude). Chaque succès, chaque publication même, a l'air d'un enterrement au cours duquel on fait l'éloge de la probe originalité du défunt ; mais cet éloge et cette originalité sont également convenus.

    17 octobre 2023

     

  • Relativisons

    La probabilité qu'un roman publié soit mauvais est, disons, de 99,9%. Je devrais donc laisser là le mien. Tout le monde devrait laisser là son livre et aller prendre l'air. Et ne surtout pas se réjouir s'il est publié. Comme si cela ne suffisait pas d'avoir perdu mon temps à l'écrire, je voudrais sans vergogne que d'autres perdent leur argent pour lui.

    Les livres vraiment trop mal écrits ne seront pas publiés : la médiocrité a son plancher ; qui, certes, année après année, descend. Le plafond descend avec, d'ailleurs : ce qui tend à faire que les très bons livres n'ont plus aucune chance d'être publiés ; ni même, désormais, les simplement intéressants. C'est pour ces derniers que c'est le plus embêtant, les très bons livres n'ayant en réalité, au vu de ce qu'auront lu les auteurs, presque aucune chance d'être écrits. Et tout le reste est relativisme.

    21 octobre 2023

  • 1913

    Georges de La Fuly a publié sur son blog un texte qui parle, entre autres, de Stravinsky et de 1913. Je lui "réponds" ici.

    Cher La Fuly,

    J'ouvre méchamment, pardon, avec une citation de l'informaticien d'Open AI, Ilya Sutskever : "Si vous placez l'intelligence au-dessus de toutes les qualités humaines, vous allez passer un sale moment." Sutskever a publié cette phrase sur X (ex-Twitter) le 7 octobre 2023. Il ne parlait pas (quoi que, soviétique devenu canadien, il ait longuement vécu en Israël) de l'attaque surprise du Hamas, mais de telle avancée proprement effrayante de l'Intelligence Artificielle ; avancée qui a effrayé semble-t-il ses découvreurs mêmes, au point de les faire (brièvement) se demander s'il ne serait pas plus raisonnable de "décélérer". D'ici quelques années, presque tout le travail intellectuel sera automatisé, ceci incluant évidemment "les arts" et "l'écriture". (Cela tombe bien, un quart des 25-35 ans français est titulaire d'un bac+5 dont la plupart sont bidons (espérons que nous pouvons encore excepter les sciences) ; notre pays travaille à aligner une armée mexicaine de péones officiérisés en tenue bigarrée ; mieux, une armée mexicaine de crevards et zombies. Voilà qui est réjouissant : Pour une fois que nous n'avons pas une guerre de retard, c'est que nous en avons douze !)

    Vous avez une fois relevé, mon cher La Fuly, le propos d'une dame toute simple disant à la télévision en 1978 que c'est bon "de vivre sans gêner le voisin". Pas sans être gêné par lui. Non, sans le gêner. C'est émouvant ; c'est émouvant comme l'est votre phrase, son pronom sujet désignant le compositeur Igor Stravinsky : "Il va gentiment attendre que Schoenberg meure pour écrire de la musique dodécaphonique." Il y a là, pour ainsi dire l'air de rien, une grande délicatesse. Celle de Stravinsky, sans doute ; mais la vôtre aussi bien, qui est de 2023.

    J'ai commis l'enthousiaste imprudence de vous dire sitôt après lecture de votre beau texte, Le dos de Pierre Monteux, que "si nous sommes évidemment éloignés de 1913, nous sommes aussi en 1913." Les gens aujourd'hui vont s'en ficher tout à fait de gêner ou non leur voisin. Peut-être. Pas vous. Les gens dont vous parlez, Debussy, Stravinsky, Nijinski, ne sont pas le tout-venant de leur époque ; pas plus qu'aujourd'hui La Fuly (je prends au hasard votre nom pour finir ma liste en -i/y). Je vous ai dit à propos de votre texte extraordinaire, parfaitement admirable, qu'il faudrait y répondre ; j'essaie et ce sera tout à fait insuffisant. Je risque surtout de ne pas arriver où je voulais aller.

    1913, c'est évidemment l'année d'avant la guerre. De ce point de vue au moins, pas finaud, on peut craindre, à voir s'allumer les conflits intérieurs et extérieurs, que 2023 ne précède 1914. Mais la chose à laquelle je voulais répondre, je crois, est résumée par cette votre affirmation : "Nos aïeux côtoyaient des génies, nous côtoyons des larves." Je donne tout de même tout le passage :

    "Quatre chefs-œuvre de cette époque (Jeux, de Debussy, le Sacre, de Stravinsky, le Prince de bois, de Bartok, et les Six Bagatelles pour quatuor à cordes d'Anton Webern) pourraient suffire à en faire la plus passionnante de toutes (Ravel décrira ce temps comme le plus heureux de sa vie), mais il faut encore y ajouter tant de créations et tant d'esprits incomparables, tant de subtilité et d'espérance, et la grande ombre de Proust… Lorsque nous nous penchons rétrospectivement sur l'année 1913, il nous semble que toute l'intelligence, tout l'esprit, tout le raffinement d'une civilisation s'étaient donné rendez-vous en ce point de l'espace et du temps. Cent-dix années se sont écoulées depuis lors, et ces cent-dix années nous semblent, avec la Grande Guerre qui les a ouvertes, les portes du Désastre mondialisé et déculturé au fond duquel nous suffoquons. Nos aïeux côtoyaient des génies, nous côtoyons des larves. Ils vivaient au printemps, nous vivons au fin fond de l'hiver."

    Ou cet hiver sera le dernier, et c'est la fin des temps : c'est une hypothèse à laquelle, d'ailleurs, je ne suis pas totalement fermée : la chute démographique de l'occident, la montée de l'islamisme, les guerres en cours et les débiles légers disposant d'arsenaux nucléaires pourraient fort bien terminer l'aventure. Ou un printemps viendra, et il ne ressemblera pas à cet immense massacrement estival de 1914-18 ! Je sais, j'ai l'air de vous prendre au pied de la lettre. Mais il le faut. Comme vous le savez je crois, j'ai écrit plus de vingt ans des pièces de théâtre dont aucune, et tant mieux, ne demeurera. J'ai mis fin récemment à cet anachronisme (au mieux qualifiable de "touchant"). Malraux disait, mais je ne sais plus où, peut-être dans son magnifique, posthume et méconnu L'homme précaire et la littérature, qu'au seizième (?) siècle, personne n'avait vu arriver la peinture et que le monde artistique ne jurait que par la mosaïque... (Je feuillette depuis une bonne heure ce livre, dans l'espoir de tomber sur cette phrase, qui ne s'y trouve peut-être pas. Mais, je trouve celle-ci, parmi tant d'autres étincelantes, qui va mieux encore illustrer mon propos :) "Les successeurs de Michel-Ange et de Titien ne seront pas des peintres, mais Shakespeare, Monteverdi, Corneille."

    Quels furent et sont les successeurs de la France, morte dans une plaine belge, le 18 juin 1815 ? A la fin de la centaine de pages qu'Hugo consacre à la bataille de Waterloo dans les Misérables, un homme apparaît, qui vient faire les poches des cadavres : c'est Thénardier. Même le vieux De Gaulle, qui avait lancé (d'Angleterre !) son appel à la résurrection, 125 ans jour pour jour après la mort, devait avouer au même Malraux, juste avant de mourir, et en prenant un exemple américain, qu'il était comme le vieil homme d'Hemingway, qu'il n'avait ramené qu'un squelette. Les Thénardiers ont pris du galon depuis 1815, ils portent une brochette de noms connus, de Giscard à Macron et continuent de faire impunément les poches des Français morts. Quant à Cosette, qu'il faut appeler Marianne, tout le monde lui passe dessus, au nom béni de l'allahïcité.

    Ce qu'il reste d'esprits cherchant l'absolu, et le prenant trop souvent encore pour la gloire, qu'ils ne trouvent que très relativement, s'enorgueillissent de leur panache dans la défaite ; c'est l'axe Cyrano-Platini. Toute victoire est nous suspecte, sinon, quoi que cela veuille dire, fâchiste. L'idéal politique est d'en ôter même toute possibilité.  

    Je m'éloigne de Stravinsky et de 1913, mais comment faire autrement ? Je sais bien que je suis complètement à côté. Puisse cela permettre de se parler. Il y a, vous avez bien raison, nombre de larves. Elles sont en pleine lumière. Entrons dans l'ombre. Dans la pénombre. Je ne comprends pas pourquoi les écrivains français intéressants d'aujourd'hui veulent à tout prix remonter au XIXème siècle. Pour éviter, comme la pauvre Despentes, de patauger à jamais dans les années 80 (ce qui l'amène en 2020 à régler des comptes imaginaires avec je ne sais quel fantasmé John Wayne...) ? Houellebecq regarde un peu dans l'avenir, il est bien le seul, puis il se recroqueville et lance une provocation en post-français standard. Et ça mord ? Ça mord.

    Je vous écris de mon pays perdu, qui est le vrai pays trouvé et retrouvé. Peut-être que tout tient là, à ne presque plus fréquenter personne. Je préfère côtoyer des gens simples (qui ne le sont sans doute pas). Vous êtes, vous aussi, j'imagine, dans votre pays lointain. Des campagnes françaises. Pourtant mon courrier vous parviendra en une seconde à peine. 

    Malraux intègre dans sa réflexion sur les arts le cinéma (déjà fini), les feuilletons, le journalisme et les médias (l'audio-visuel). L'exemple de cette ouverture est à suivre. Qu'est-ce que nous ne voyons pas, et qui est sous nos yeux ? "[...] nos peintres du XVIIIème siècle n'ignoraient pas les statues gothiques devant lesquelles ils passaient chaque jour. Ils ne les voyaient pas. Puis, ils les ont vues. L'énigme est la même en littérature, et c'est pourquoi l'imprimerie ne suffit pas à la résoudre." Le Malraux des années 70, qui récapitule une pensée anthropologique et artistique immense, ne fait presque pas cas de la science. Il comprend le passage (de l'Esprit, suis-je presque tenté de dire) d'un art à l'autre comme personne, mais il exclut, sans doute involontairement, parce qu'il est âgé et que les connaissances précises lui font défaut (?), tout le domaine scientifique, qui étale pourtant au grand jour son pouvoir naissant et sa prométhéenne ambition. Et si l'on était passé, comme de Michel-Ange à Shakespeare, de Proust à Grothendieck ? Et mieux (ou pire), de Gödel à Elon Musk (pour le meilleur et pour le pire) ?  S'il y avait des sauts, plus encore que des passages ? (Chronologiquement, le Malraux des dernières années est à mi-chemin entre 1913 et nous.) L'album de Tintin, Objectif Lune date de 1953 et la France des débuts de la Vème espérait encore jouer non seulement la carte nucléaire, mais aussi celle de l'art, de la science (on développe une informatique française) et la course à l'espace. L'immense vague de merde du giscardo-mitterrandisme noiera tout ça dans l'à-quoi-bon égalitaire sauce Jack Lang. Vive la fête de la musique !

    Les succès 2023 du cinématographe sont, dans l'ordre d'apparition historique des personnages : Napoléon, Oppenheimer, Barbie (il fallait bien une héroïne). Le symptôme est flagrant et tout est amerloque (britanniques inclus). Pendant ce temps, la question quelque part en Californie est de savoir si l'homme hybridé à l'IA pourra faire face à l'IA se débarrassant comme de chiendent de l'humanité dont elle sort (et justement, elle la quitte). Vous avez remarqué comme il n'y a plus d'Italie ?

    Je me relis et cette réponse n'est pas du tout satisfaisante, au moins narcissiquement. Les gens les plus intéressants de notre époque, pourquoi écriraient-ils de la musique, du théâtre, et même, allez, des romans, puisque la culture est devenue cette merde ? Même la bonne vieille tradition juridique s'effondre avec tout le bâtiment... et les meilleurs esprits n'iront pas à Saint-Cyr, ni dans la porcherie qui a remplacé l'ENA. Philip Roth, que j'aime assez modérément, disait en 2011 que "dans vingt-cinq ans", en 2035 environ donc, "il y aura encore des lecteurs de romans, mais aussi peu nombreux que ceux qui, aujourd'hui, lisent de la poésie latine." Cela ne me semble pas valoir que pour les Américains. Des choses finissent. On peut s'échiner à les prévoir, les anticiper, il se peut bien qu'une bombe un de ces quatre matins vienne relativiser définitivement nos chimères. Nous passons.

    "Au fil des jours, le temps s'égrène, impitoyable / Comme un ruisseau furtif, il emporte nos vies, / Les heures s'enfuient, légères, inassouvies, / Et la mort, tapis dans l'ombre, est implacable." C'est le premier quatrain d'un sonnet que je viens de demander à ChatGPT d'écrire sur la mort et le passage du temps. Les règles respectées ne sont manifestement pas celles de la prosodie française. Ce "tapis dans l'ombre" est amusant. La mort est un tapis dans l'ombre sur lequel je vais m'étendre (devant la cheminée). (Je me demande si la version payante aurait fait mieux.) Je redemande seulement un quatrain, avec "un ou deux gros mots" : "Dans l'étreinte du temps, putain d'implacable, / La mort guette, sans pitié, tel un funeste bal. / Les secondes s'égrènent, foutu carnaval, / Et l'ombre grandit, saloperie inévitable." Je compte trois gros mots. Je le luis dis. L'IA s'excuse et refait le quatrain avec un gros mot, mais j'en compte encore deux (elle a simplement remplacé "saloperie" par épreuve"). J'en déduis qu'elle ne considère pas "foutu" comme un gros mot. Elle s'excuse et remplace "foutu" par "maudit". (Elle ne présente pas ses excuses, mais "s'excuse".) A ma demande, elle a expliqué quelles règles elle avait suivies, et quelles non, et pourquoi (langue familière et rythme moins rigide pour donner un effet décontracté et expressif). La conversation s'est terminée ainsi : - C'est bien d'avoir le sens de l'initiative. - Merci pour votre compréhension.

    En 1913, la France et l'Angleterre, talonnées de près, se taillent encore la part du lion dans la lutte permanente pour la domination mondiale. Nous descendons depuis cent ans, les Anglais montent. Venue de Russie, Stravinsky qui est en 1913 à Paris, quittera l'Europe en 1940, l'autre grand point de bascule qui verra la naissance de l'imperium américain, et mourra... à New York en 1971. (Heureusement que je ne me suis pas engagé à vous remonter le moral !) En 1913, Proust publie à compte d'auteur. Il est très loin d'être Proust. Personne ne semble croire à ce petit mondain snobinard. Par un fait extraordinaire, la grande guerre ne l'empêchera pas de devenir Proust (et de venger Napoléon). Après quoi commencera la fin de la littérature française. Céline part de haut, mais c'est déjà le dévers. Jusqu'à Malraux, qui meurt en 1976. Ensuite, les choses ne se passent plus en France ni en  Europe (radotage et confusage). J'ai bien fait de commencer ce courrier par Sutskever, qui est en Californie. Il vient lui aussi de Russie ; nombre des informaticiens de l'IA sont européens (anglais, russes, français, polonais, albanais), mais il n'y a plus rien ici. La nouvelle Méditerranée, c'est le Pacifique, c'est une grande mare, mais elle ne va pas être très nostrum.

    Je m'arrête là, cher La Fuly, j'ai fait tout à fait autre chose que ce que je voulais, nous sommes bien en 1913, à ceci près que nous sommes au fond de la province mondiale et que nous ne savons pas vraiment qui sont nos Stravinsky, Debussy, Webern et Bartok. Je retourne à mon roman que douze personnes liront (dont un traître), qui se passe dans un futur européen qui ne viendra pas, avec la conscience nette de ne pas l'écrire dans la bonne langue. (Il faudrait l'écrire en phinégantsouèque, non ?) il est tard, en effet. La nuit tombe - la nuit qui ne connaît pas l'Histoire, est la dernière phrase des Chênes qu'on abat. Soyons nyctalopes, ne gênons pas notre voisin, tout tapage nous nuirait, toute reconnaissance par des autorités serait imbécile. Tapissons-nous dans l'ombre.

    28 novembre 2023

     

     

     

     

     

     

  • 7 octobre

    Le matin du 7, jour de l'attaque du Hamas contre Israël qui a fait 1200 morts essentiellement civils, est arrivé par la poste Rêve de fer de Norman Spinrad, écrit en 1972. Quelques jours auparavant, mon amie Lucie Boscher, pas vue depuis plusieurs mois, a repris contact. Le roman de Spinrad se passe dans un monde parallèle au nôtre, dans lequel, semble-t-il, la seconde guerre mondiale n'a pas eu lieu, puisqu'Adolf Hitler a émigré aux Etats-Unis dans les années 1920. Il y est devenu illustrateur puis auteur de science-fiction. Ses idées, les mêmes que celles du Hitler de notre monde, ont été déclinées dans une série de romans, dont le dernier, Le Seigneur du Svastika, lui a valu le prix Hugo à titre posthume en 1954. Le roman de Spinrad Rêve de fer est intégralement et exclusivement le roman du Hitler de science-fiction. Lucie et moi sommes convenus de nous voir la semaine suivante ; je rouvre le fichier d'Esther, un monologue écrit pour elle, adaptation libre du Livre d'Esther de la Bible ; fichier auquel je porte quelques corrections que j'avais jusque là repoussées. Il est midi et je n'ai pas encore lu les informations du jour (je ne les écoute ni ne les regarde). La phrase ajoutée à mon texte (c'est un personnage qui parle, dirais-je en imitant Molière en son Tartuffe, et pour les mêmes raisons) : "Ceux qui veulent te tuer, s'ils veulent vraiment te tuer, tue-les avant qu'ils n'aient levé la main sur toi."

    13 octobre 2023