Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Ciels de synthèse - Page 2

  • Poésies III

    Trouvé hier la belle petite édition à 3,10€ des Poésies d'isidore Ducasse, chez Allia.

    Il faut leur appliquer la méthode proposée par l'auteur.

    Je dispose d'outils variés de notations :
    V et F pour Vrai et Faux ; que je couple avec I et RAF pour Important et Rien-A-Foutre.
    Ainsi que deux des quatre opérateurs de la logique modale : nécessaire (un carré) et contingent (un losange).

    Et de la possibilité ensuite de couper et de corriger.
    La question de l'ironie ne sera pas résolue.

    Exemple : Voici les phrases de la première page de cette édition des Poésies I :

    Les gémissements poétiques de ce siècle ne sont que des sophismes. 
    Les premiers principes doivent être hors de discussion.
    J'accepte Euripide et Sophocle ; mais je n'accepte pas Eschyle.
    Ne faites pas preuve de manque des convenances les plus élémentaires et de mauvais goût envers le créateur.
    Repoussez l'incrédulité : vous me ferez plaisir.
    il n'existe pas deux genres de poésie ; il n'en est qu'une.
    Il existe une convention peu tacite entre l'auteur et le lecteur, par laquelle le premier s'intitule malade, et accepte le second comme garde-malade. C'est le poète qui console l'humanité. Les rôles sont intervertis arbitrairement.
    Je ne veux pas être flétri de la qualification de poseur.

    Elles deviennent dans un premier temps :

    Les gémissements poétiques de ce siècle ne sont que des sophismes. 
    Les premiers principes sont hors de discussion.
    J'accepte Eschyle, Sophocle et Euripide. 
    Ne faites pas preuve de manque des convenances les plus élémentaires et de mauvais goût envers le créateur.
    Repoussez l'incrédulité : vous me ferez plaisir.
    il n'existe pas deux genres de poésie ; il n'en est qu'une.
    Il existe une convention peu tacite entre l'auteur et le lecteur, par laquelle le premier s'intitule malade, et accepte le second comme garde-malade. Le poète ne console pas l'humanité. Les rôles sont intervertis arbitrairement.
    Je me fous d'être flétri de la qualification de poseur.


    Ce qui devient :

    Les premiers principes sont hors de discussion.
    J'accepte Eschyle, Sophocle et Euripide. 
    Il n'existe pas deux genres de poésie ; il n'en est qu'une.
    Le poète ne console pas l'humanité, plus condamnée que lui.
    Je me fous d'être flétri de la qualification de poseur.

     

    22 janvier 2025

     

     



     

     

    Lien permanent Catégories : Journal, Machine
  • D = C

    À Pierre Perrin, amicalement.

    Je crois que si l'idée foutraque de me confier une collection de poésie traversait jamais un éditeur, je l'ouvrirais avec la paginetta de Kurt Gödel qui a pour titre Preuve ontologique. (Ce serait d'ailleurs encore la faute au vieil Ezra.) Puis je fermerais la collection.
    (Et tout le reste est turlutature.) 

    (Le mot de paginetta (le travail de toute une vie qui tient en une page que l'on ne souhaite pas publier) est de Piergiorgio Odifreddi dans le livre La prova matematica dell'esistenza di Dio de Kurt Gödel (chez Bollati Boringhieri). J'aurais pu lire ça en anglais mais j'ai trouvé que l'italien serait plus proche du français.)

    Petites et grandes maisons d'édition ne publient que peu de poésie, ce qui est encore sans doute trop, puisque ce peu ne se vend pas ou mal, hors de la catégorie même des poètes, qui, malgré leurs rivalités de cour de récréation, se sentent obligés d'encore se lire entre eux, afin d'écouler quand même un peu les maigres stocks.
    Personne en tout cas n'a eu l'idée de traduire et publier Basil Bunting. C'est bien regrettable. On a sans doute pas eu le temps, depuis la publication de Briggflatts en 1966. Alors, évidemment, le plus grand logicien depuis Aristote (Gödel), qu'est-ce que ça peut foutre quand on a Paolo Coelho, Michel Onfray et Jean-Pierre Siméon ?

    Je reprends toutefois, n'étant pas à une contradiction près, mon vieil exemplaire de L'a.b.c de la lecture. (La traduction de Denis Roche pourrait être refaite.)

    Bunting est en tout cas l'auteur de la formule (et même de l'équation) que cite à plusieurs reprises Ezra Pound :

    Dichten = condensare

    que j'écris donc, l'appliquant à elle-même D = C.

    L'idée me vient de sortir tout à fait de leur contexte les deux (célèbres) définitions de la littérature que donne Pound :

    1
    La grande littérature est simplement du langage chargé de sens au plus haut degré possible.

    Je donne la seconde en anglais, la traduction de Denis Roche ne me satisfaisant pas (une somme d'informations qui RESTENT des informations).

    2
    Literature is news that STAYS news.

    (« La littérature, c'est des nouvelles qui RESTENT fraîches ».
    Je dirais.
    La traductrice Claire Vajou proposait sur sa page FB le 30 août 2016 :
    « La littérature : des nouvelles du jour pour toujours». )

    D = C, donc.

     

    22 janvier 2025

  • L'homme configuré

    Norbert Wiener dans Cybernétique et société en 1954 :

    « Il n'y a pas de distinction absolue entre les types de transmission que nous utilisons pour envoyer un télégramme d'un pays à un autre et ceux qui sont du moins théoriquement possibles pour transmettre un organisme vivant tel un être humain. Admettons donc l'idée selon laquelle nous puissions voyager par le télégraphe, outre le train et l'avion, n'est pas intrinsèquement absurde, aussi lointaine que puisse être sa réalisation. »

    Internet a évidemment succédé au télégraphe. 

    Wiener, auquel la bombe atomique a posé quelques soucis éthiques, a fini par comprendre que celle-ci n'était rien en comparaison des affres qu'ouvrait ce qu'il a nommé cybernétique. Je cite ci-dessous (comme d'ailleurs ci-dessus) le remarquable texte de 2014 de Cassou-Noguès, Les rêves cybernétiques de Norbert Wiener :

    «Wiener commence par opposer la mécanisation de l'humain, avec l'usine automatique, et l'humanisation de la machine, avec l'image de la prothèse. La machine doit se soumettre à la volonté humaine. La machine ne doit pas être usine mais prothèse. Seulement les prothèses ont, pour ainsi dire, mangé le corps humain. Elles en ont remplacé toutes les parties, de sorte que c'est finalement dans une machine que l'humain prétend s'incarner. Et justement, que reste-t-il d'humain dans le dispositif ? »

     

    22 janvier 2025

     

  • Lyotard et la mort du Soleil

    Pour Lyotard, les techno-sciences sont déterminées par la mort du Soleil.
     
    « Vous décidez de relever le défi du plus que probable anéantissement de l'ordre solaire et de votre pensée. Et la tâche, alors, la seule, est fort claire, déjà commencée depuis longtemps : simuler les conditions de la vie et de la pensée de telle sorte qu'une pensée reste matériellement possible après le changement d'état de la matière qu'est le désastre. »
     
    « Le problème des techno-sciences s'énonce donc : assurer à ce software un hardware indépendant des conditions de vie terrestre. Soit : rendre possible une pensée sans corps, qui persiste après la mort du corps humain. »
     
    Dans L'Inhumain, causeries sur le temps, Galilée, 1988.
    J'ai trouvé les citations dans Les rêves cybernétiques de Norbert Wiener, de Pierre Cassou-Noguès, Seuil, 2014
     
    20 janvier 2025

  • Descartes, Pascal, Brisville

    Dans Le Souper, Brisville mettait face à face, un mois après la défaite de Waterloo, dans un Paris occupé par les Anglais, les Prussiens et les Russes, Talleyrand et Fouché. Il était tenu par l'Histoire à faire s'entendre ces deux tordus de talent. On ne sent pas d'ailleurs qu'il prenne davantage le parti de l'un que celui de l'autre.
    Dans L'entretien de M. Descartes avec M. Pascal le Jeune, en revanche, l'auteur n'est tenu à aucune conformité historique ; seuls les ouvrages et biographies des deux penseurs lui tiennent lieu de guide. Volonté ou non, la pièce nous somme de choisir entre deux penseurs aux idées et aux actions si différentes (en ces matières je suis très volontiers Péguy et tiens qu'il faut comparer les idées aux idées et les actions aux actions). Je ne pensais pas si nettement pencher pour René Descartes (d'autant que j'ai vraiment beaucoup lu Pascal, dont l'édition Le Guern des Pensées m'a servi souventefois de livre de chevet) ; je pourrais en accuser un peu la façon dont Brisville traite Pascal, mais je crois que ce ne serait pas juste. Pascal en effet y apparaît d'abord comme une manière de jeune janséniste forcené, souffreteux et reniant la raison pour le salut de son âme, et cela fait surtout comprendre que le désordre des Pensées nous permet de lire le Pascal que nous souhaitons, et de sortir à volonté tel morceau de tout contexte et de le faire entrer en résonnance avec ce que nous « pensons », nous. Descartes est moins commode à utiliser à son gré, puisqu'il a abouti ses grands ouvrages. L'homme Descartes a vécu davantage ; il est prudent et réfléchi et sait qu'il n'est pas courageux tous les jours. Le champion de la raison cultive le désœuvrement et rappelle que sa science lui est venue d'une série de trois rêves ; quant à son dieu, il est si pensé qu'il ne ressemble point à celui dont témoigne Pascal.

    « PASCAL. Ainsi, vous ne feriez rien pour convaincre un interlocuteur de bonne foi ?
    DESCARTES. J'abandonne ce soin à mes travaux qui sont chez le libraire, et me garde ma liberté. Il n'est rien tant à quoi je tienne. »

    S'il faut trouver un point commun aux deux personnages de L'Entretien Brisville, ce serait cette étrangeté qui fait qu'aucun des deux ne recherche la gloire et même que tous deux, quoique fort différemment, la fuient.

    20 janvier 2025

    Jean-Claude Brisville, Le Souper, suivi de L'Entretien de M. Descartes et de M. Pascal le Jeune, et de L'Antichambre, Babel Actes Sud