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Livre - Page 3

  • Tout le mal

    Je ne pensais pas relire ce livre, je voulais juste y jeter un œil, mais le livre m'a happé. C'est le genre de livre dont j'aimerais retenir tout (et je suis très loin de pouvoir ça, évidemment, saisir un livre comme un aigle sa proie, dans l'ensemble et dans les détails, dans l'explicite et dans l'implicite). Une amie m'a demandé ce que je lisais, et je lui ai répondu que je lisais ce livre pour la quatrième fois parce que, ai-je dit sans préméditation, il y a tout. Oh, ça a l'air idiot, comme ça, je sais. Or non, il n'y a pas tout ; mais il y a, pour ainsi dire, et je sais déjà que les chipoteurs chipoteront, tout le mal ; et le bien même est en creux indiqué, hélas inaccessible. Je ne sais pas ce que Conrad a vu et dont il nous préserve encore, nous donnant l'idée des voix dans les ténèbres, mais non encore ce que disent ces voix (que l'on devine, entrant ainsi dans la confidence abjecte). Aucun livre, ou très peu, décidément, ne porte son titre aussi bien que ce Cœur des ténèbres. Même l'amour est considérablement pourri, horriblement pourri, pour être plus précis (les lecteurs du livre comprendront). L'amour ou ce qui passe pour lui ; ce qui enverrait le véritable, sans doute aussi qui est la vérité, très loin là-haut, dans le ciel même, dans l'au-delà, s'ils existent.

    5 février 2025

  • Maxime 127

    Je prends le vieux Folio de La Rochefoucauld et (re)commence à lire ses Maximes dans l'ordre.

    Je constate que je n'ai rien souligné ni noté dans ce livre que j'ai lu plusieurs fois.

    Tout à coup, je découvre le nombre 127 entouré au crayon.

    127

    Le vrai moyen d'être trompé, c'est de se croire plus fin que les autres.

    En effet. C'est tout moi.

    Je m'étais bien reconnu, alors. 

    Le nombre 149 aussi est entouré (je m'en avise à l'instant) :

    Le refus des louanges est un désir d'être loué deux fois.

    Très bien, d'accord, je refuse les louanges.

    30 janvier 2025

     

  • Recommencer (3)

    Je me suis retrouvé embarqué à raconter (pour partie) une histoire, parce qu'il faut bien qu'il y ait des personnages et que ceux-ci ne peuvent pas être tout à fait immobiles dans le temps. Mais je n'ai rien à faire de cette histoire. Elle n'a aucun intérêt. Et ce que je dis là, il a bien fallu que je le dise. Et il faudra recommencer.

    Aux environs du 10 janvier, j'ai pris la décision (ferme) de tout jeter. Aussitôt la pression est descendue, et j'ai dormi deux nuits complètes sans que mon cerveau ne s'attache à produire du texte (du moins à ma connaissance). Dès le 12, puisque la pression était évacuée, j'ai pu recommencer à réfléchir à poursuivre l'écriture d'un nombre trop considérables d'historiettes.

    Je ne sais pas trop non plus dans quel enfer logique je me suis jeté. Le mieux est de poursuivre par-dessus la jambe. L'essai logique ne dit que son échec (mais moteur démonté).

     

    25 janvier 2024

     

  • D = C

    À Pierre Perrin, amicalement.

    Je crois que si l'idée foutraque de me confier une collection de poésie traversait jamais un éditeur, je l'ouvrirais avec la paginetta de Kurt Gödel qui a pour titre Preuve ontologique. (Ce serait d'ailleurs encore la faute au vieil Ezra.) Puis je fermerais la collection.
    (Et tout le reste est turlutature.) 

    (Le mot de paginetta (le travail de toute une vie qui tient en une page que l'on ne souhaite pas publier) est de Piergiorgio Odifreddi dans le livre La prova matematica dell'esistenza di Dio de Kurt Gödel (chez Bollati Boringhieri). J'aurais pu lire ça en anglais mais j'ai trouvé que l'italien serait plus proche du français.)

    Petites et grandes maisons d'édition ne publient que peu de poésie, ce qui est encore sans doute trop, puisque ce peu ne se vend pas ou mal, hors de la catégorie même des poètes, qui, malgré leurs rivalités de cour de récréation, se sentent obligés d'encore se lire entre eux, afin d'écouler quand même un peu les maigres stocks.
    Personne en tout cas n'a eu l'idée de traduire et publier Basil Bunting. C'est bien regrettable. On a sans doute pas eu le temps, depuis la publication de Briggflatts en 1966. Alors, évidemment, le plus grand logicien depuis Aristote (Gödel), qu'est-ce que ça peut foutre quand on a Paolo Coelho, Michel Onfray et Jean-Pierre Siméon ?

    Je reprends toutefois, n'étant pas à une contradiction près, mon vieil exemplaire de L'a.b.c de la lecture. (La traduction de Denis Roche pourrait être refaite.)

    Bunting est en tout cas l'auteur de la formule (et même de l'équation) que cite à plusieurs reprises Ezra Pound :

    Dichten = condensare

    que j'écris donc, l'appliquant à elle-même D = C.

    L'idée me vient de sortir tout à fait de leur contexte les deux (célèbres) définitions de la littérature que donne Pound :

    1
    La grande littérature est simplement du langage chargé de sens au plus haut degré possible.

    Je donne la seconde en anglais, la traduction de Denis Roche ne me satisfaisant pas (une somme d'informations qui RESTENT des informations).

    2
    Literature is news that STAYS news.

    (« La littérature, c'est des nouvelles qui RESTENT fraîches ».
    Je dirais.
    La traductrice Claire Vajou proposait sur sa page FB le 30 août 2016 :
    « La littérature : des nouvelles du jour pour toujours». )

    D = C, donc.

     

    22 janvier 2025

  • L'homme configuré

    Norbert Wiener dans Cybernétique et société en 1954 :

    « Il n'y a pas de distinction absolue entre les types de transmission que nous utilisons pour envoyer un télégramme d'un pays à un autre et ceux qui sont du moins théoriquement possibles pour transmettre un organisme vivant tel un être humain. Admettons donc l'idée selon laquelle nous puissions voyager par le télégraphe, outre le train et l'avion, n'est pas intrinsèquement absurde, aussi lointaine que puisse être sa réalisation. »

    Internet a évidemment succédé au télégraphe. 

    Wiener, auquel la bombe atomique a posé quelques soucis éthiques, a fini par comprendre que celle-ci n'était rien en comparaison des affres qu'ouvrait ce qu'il a nommé cybernétique. Je cite ci-dessous (comme d'ailleurs ci-dessus) le remarquable texte de 2014 de Cassou-Noguès, Les rêves cybernétiques de Norbert Wiener :

    «Wiener commence par opposer la mécanisation de l'humain, avec l'usine automatique, et l'humanisation de la machine, avec l'image de la prothèse. La machine doit se soumettre à la volonté humaine. La machine ne doit pas être usine mais prothèse. Seulement les prothèses ont, pour ainsi dire, mangé le corps humain. Elles en ont remplacé toutes les parties, de sorte que c'est finalement dans une machine que l'humain prétend s'incarner. Et justement, que reste-t-il d'humain dans le dispositif ? »

     

    22 janvier 2025