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hofmannsthal

  • Mondes parallèles

    Je ne m'étais pas attendu à ce qu'Hofmannsthal vienne prendre place dans ma machine, mais c'est fait. La relecture de La Lettre à Lord Chandos a tout déclenché. 

    Le hasard m'a fait également trouver un livre de Machiavel publié en 1936 aux éditions R. Simon (Paris). La couverture annonce deux titres : l'essai politique qui fit la gloire de son auteur, Le Prince et la pièce de théâtre La Mandragore (puisque l'on sait, ou non, que Machiavel est aussi l'un des fondateurs du théâtre italien. J'avais jadis écrit une critique de cette pièce, qui se trouve avec Clizia, dans ce que La Pléiade appelle des Œuvres Complètes.)
    La bonne surprise veut que l'on trouve dans le volume un troisième texte, la pièce Frère Alberigo (dont l'existence ruine le titre du volume de La Pléiade).

    Ce qui en revanche atteste réellement de la provenance d'un monde parallèle de ce livre, c'est l'ex-libris sur la première page : Jean Lucet / coiffeur. Cet ex-libris a le poids dickien du livre Le poids de la sauterelle dans Le maître du haut-château. Il atteste à lui seul qu'un tel livre ne s'est pas retrouvé par je ne sais quel hasard dans la bibliothèque d'un coiffeur. Il nous dit en creux que les nazis, ou disons : ceux qui veulent faire disparaître les livres, ont gagné la guerre ; et qu'ils gouvernent.

     

    8 mai 2025

     

     

  • Hier, de Hofmannsthal

    Hier est une pièce écrite à dix-sept ans par Hugo von Hofmannsthal.
    Elle est traduite et publiée par Jean-Yves Masson aux éditions de la Coopérative.
    Lequel Masson a tout à fait raison de dire en sa postface que la pièce contient non seulement en germe toute l'œuvre à venir d'Hofmannsthal, mais aussi qu'elle est absolument personnelle et d'une complète maturité.

    Il y a quelque chose d'une foi inébranlable en l'art, qui me semble avoir disparu sinon de la littérature, au moins du théâtre. Elle tient peut-être, de façon tout extérieure, à ne raconter ni sa vie ni son époque ; à ne porter rien qui soit immédiatement de l'ordre de la critique. C'est d'ailleurs cela qui fait l'extrême contemporanéité de la chose : une contemporanéité permanente, si j'ose dire. Car enfin, je ne vis ni dans la Vienne de 1891 du jeune auteur, ni dans l'Italie de la Renaissance où se déroule la pièce.
    La construction de l'acte unique en dix scènes s'ouvre et s'achève sur le duo d'Andrea et Arlette. Les huit scènes qui les séparent ont retourné complètement Andrea. Le jeune homme qui reprochait d'abord à son amie

    Dois-tu sans cesse gâter le jour présent avec le souvenir d'hier ?

    finira par admettre, tordu de jalousie, que :

    Ce qui fut une fois demeure vivant pour l'éternité.

     

    8 mai 2025

     

     

  • L'inconnu Goethe

    On ne se rend pas réellement compte, en France, de l'importance de Goethe. (On le cantonne à Faust. Qui est une œuvre dont la grandeur nous apparaît mal, malgré Nerval.)  

    Il serait tentant de le comparer à Victor Hugo, pour ses réussites dans tant de genres littéraires, mais il est sans doute plus que cela, ne serait-ce qu'historiquement.

    En relisant, le magnifique Livre des amis de Hugo von Hofmannsthal, je me suis aperçu qu'il tenait là une place prépondérante.

    Dans le premier tome du Journal de Sándor Márai, il revient incessamment.

    Et le revoici en filigrane dans le très étrange Livre du rire et de l'oubli, de Kundera. Je crois me souvenir qu'il traverse également L'immortalité.

    Goethe est peut-être l'auteur qui permet de comprendre l'Europe centrale. 

     

    2 mai 2025

     

     

  • Le maillon manquant

    Deux faits.

    1. J'ai fait un petit billet ici, il y a quelque temps, sur l'emploi chez Descartes, dans le Discours de la méthode, à propos du suspens ou de la réduction, du verbe feindre.

    2. J'aime citer depuis longtemps le mot de Basil Bunting cité par Ezra Pound dans son ABC de la lecture :
    Dichten = condensare.

     

    Je n'aurais jamais pensé à lier entre eux ces deux faits sans le magnifique Livre des amis d'Hugo von Hofmannsthal (publié aux éditions de la Coopérative par Jean-Yves Masson, éditeur et traducteur) :

    Ecrire (dichten) = feindre* = to feign

    Jean-Yves Masson ajoute en note : « Hofmannsthal pense ici à l'étymologie des verbes français et anglais "feindre" et "to feign", dérivés du latin "fingere" qui signifie originellement "modeler, façonner", puis "imaginer", d'où provient aussi le mot "fiction". Le verbe "dichten" s'applique à la création littéraire en général, même s'il s'applique surtout à la poésie ("der Dichter peut désigner "l'écrivain").  »

    L'astérisque signifie que le verbe feindre est écrit en français par Hofmannsthal. Ce qui signifie donc, sauf erreur de ma part, que l'aphorisme d'Hofmannsthal est écrit en trois langues :

    Dichten = feindre = to feign 


    Je ne tire pas les conclusions.

     

  • Lettre (2)

    La lettre que j'écris ces jours-ci, dont je parlais précédemment, et qui doit s'achever sur une évocation de la conquête spatiale à venir (ou non) commence d'abord par une récapitulation succincte de la fameuse Lettre de Lord Chandos d'Hugo von Hofmannsthal, qu'il avait plus simplement intitulée Ein Brief, Une Lettre. 

    J'ai eu besoin, en écrivant, de retrouver une citation du même Hofmannsthal, prise dans le Livre des amis (Buch des Freunde). 
    Wer die höchste Unwirklichkeit erfaβt, wird die höchste Wirklichkeit gestalten. 
    Aux Editions de la Coopérative, le remarquable Jean-Yves Masson traduit erfaβt par « appréhende », mais je lui préfère « saisit » qui me semble évacuer toute idée de crainte :

    « Celui saisit la plus haute irréalité façonnera la plus haute réalité. »

     

    26 novembre 2024