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Ciels de synthèse

  • De Marivaux

    Il est presque amusant de constater, après l'avoir tout de même un peu lu, après avoir monté Le Legs (en 1996 tout de même) et joué dans L'Île des esclaves, que je n'aimais guère Marivaux, ou pas vraiment, et qu'il m'a fallu, ce printemps, relire, pour des besoins de travail, La Dispute, pour comprendre vraiment (vraiment ?) quel incomparable génie (logicien mais pas seulement) ; et partant pourquoi il avait fallu qu'à ses grandes précision et rigueur fussent adjoints de son temps les talents et la vitalité des Comédiens Italiens, fils de la Commedia dell'arte. 
    Génie pour génie, Marivaux est quand même beaucoup plus agréable à lire que G.W.F. Hegel, par exemple.

    Cette lecture a eu pour conséquence qu'après deux ans d'interruption, j'ai repris l'écriture de mes pièces hyperbrèves où je les avais laissées, aux environs de la 935ème.

    27 juillet 2025

  • Márai aujourd'hui

    Pourquoi ai-je eu l'impression si nette, en avril, à la lecture du premier tome de son Journal (1943-1948), que ce que Sándor Márai dit de la Hongrie où, en quelque sorte, se fait la « jonction» des forces armées allemandes et soviétiques, me parlait de la France d'aujourd'hui ? Je ne vais pas répondre.

    Est émouvante, du Journal de Márai, cette forte impression qu'il est un homme sensé dans un monde de plus en plus fou.

    Un exemple (et un seul, parmi tant) :

    « Je me demande à quel point Érasme était "lâche". En fin de compte, il n'y aurait rien eu de plus facile pour lui que de se déclarer pour un parti quelconque. On ne lui demandait rien de particulier : le pape et l'empereur lui faisaient miroiter des biens terrestres, une barrette de cardinal, quant à Luther et Ulrich von Hutten, ils faisaient tout pour l'attirer dans leur camp. Chaque parti lui aurait décerné une attestation d'appartenance et on l'aurait mis dans une vitrine. Mais le "lâche" Érasme n'a jamais appartenu à aucun parti, justement parce qu'il était humaniste et qu'il savait qu'un parti, c'est toujours une trahison à l'encontre d'un tout, qu'une faction reste toujours une faction et que cela bafoue la liberté d'esprit. »

    12 juin 2025

     Sándor Márai, Journal (Les années hongroises 1943-1948), Albin Michel, 2019

    Lien permanent Catégories : Livre
  • Mondes parallèles

    Je ne m'étais pas attendu à ce qu'Hofmannsthal vienne prendre place dans ma machine, mais c'est fait. La relecture de La Lettre à Lord Chandos a tout déclenché. 

    Le hasard m'a fait également trouver un livre de Machiavel publié en 1936 aux éditions R. Simon (Paris). La couverture annonce deux titres : l'essai politique qui fit la gloire de son auteur, Le Prince et la pièce de théâtre La Mandragore (puisque l'on sait, ou non, que Machiavel est aussi l'un des fondateurs du théâtre italien. J'avais jadis écrit une critique de cette pièce, qui se trouve avec Clizia, dans ce que La Pléiade appelle des Œuvres Complètes.)
    La bonne surprise veut que l'on trouve dans le volume un troisième texte, la pièce Frère Alberigo (dont l'existence ruine le titre du volume de La Pléiade).

    Ce qui en revanche atteste réellement de la provenance d'un monde parallèle de ce livre, c'est l'ex-libris sur la première page : Jean Lucet / coiffeur. Cet ex-libris a le poids dickien du livre Le poids de la sauterelle dans Le maître du haut-château. Il atteste à lui seul qu'un tel livre ne s'est pas retrouvé par je ne sais quel hasard dans la bibliothèque d'un coiffeur. Il nous dit en creux que les nazis, ou disons : ceux qui veulent faire disparaître les livres, ont gagné la guerre ; et qu'ils gouvernent.

     

    8 mai 2025

     

     

  • Hier, de Hofmannsthal

    Hier est une pièce écrite à dix-sept ans par Hugo von Hofmannsthal.
    Elle est traduite et publiée par Jean-Yves Masson aux éditions de la Coopérative.
    Lequel Masson a tout à fait raison de dire en sa postface que la pièce contient non seulement en germe toute l'œuvre à venir d'Hofmannsthal, mais aussi qu'elle est absolument personnelle et d'une complète maturité.

    Il y a quelque chose d'une foi inébranlable en l'art, qui me semble avoir disparu sinon de la littérature, au moins du théâtre. Elle tient peut-être, de façon tout extérieure, à ne raconter ni sa vie ni son époque ; à ne porter rien qui soit immédiatement de l'ordre de la critique. C'est d'ailleurs cela qui fait l'extrême contemporanéité de la chose : une contemporanéité permanente, si j'ose dire. Car enfin, je ne vis ni dans la Vienne de 1891 du jeune auteur, ni dans l'Italie de la Renaissance où se déroule la pièce.
    La construction de l'acte unique en dix scènes s'ouvre et s'achève sur le duo d'Andrea et Arlette. Les huit scènes qui les séparent ont retourné complètement Andrea. Le jeune homme qui reprochait d'abord à son amie

    Dois-tu sans cesse gâter le jour présent avec le souvenir d'hier ?

    finira par admettre, tordu de jalousie, que :

    Ce qui fut une fois demeure vivant pour l'éternité.

     

    8 mai 2025

     

     

  • L'inconnu Goethe

    On ne se rend pas réellement compte, en France, de l'importance de Goethe. (On le cantonne à Faust. Qui est une œuvre dont la grandeur nous apparaît mal, malgré Nerval.)  

    Il serait tentant de le comparer à Victor Hugo, pour ses réussites dans tant de genres littéraires, mais il est sans doute plus que cela, ne serait-ce qu'historiquement.

    En relisant, le magnifique Livre des amis de Hugo von Hofmannsthal, je me suis aperçu qu'il tenait là une place prépondérante.

    Dans le premier tome du Journal de Sándor Márai, il revient incessamment.

    Et le revoici en filigrane dans le très étrange Livre du rire et de l'oubli, de Kundera. Je crois me souvenir qu'il traverse également L'immortalité.

    Goethe est peut-être l'auteur qui permet de comprendre l'Europe centrale. 

     

    2 mai 2025