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  • Clef de la poésie, de Jean Paulhan

    Il ne fait aucun doute qu'il y a un lien étroit entre ce que publie un éditeur et la façon dont il lit. Peu d'éditeurs cependant s'essaient à témoigner de leur façon de lire (ce dont il faut d'ailleurs collectivement les remercier). Mais Jean Paulhan n'est pas seulement un éditeur (50 ans à la nrf/Gallimard), c'est un logicien, un écrivain et sans doute, un poète.

    Clef de la poésie, publié en 1944 chez Gallimard, dans la belle collection « Métamorphoses », ouvre ainsi son premier argument :

    « Je ne cherche pas à faire la moindre découverte poétique, je ne cherche qu'un moyen de juger toute découverte poétique. Je ne souhaite pas former en poésie quelque nouvelle doctrine ; je ne cherche qu'un procédé, propre à mettre toute doctrine à l'épreuve. Bref, mon propos n'est ni critique, ni – de toute évidence – littéraire. Il est strictement logique. Et peut-être est-il loyal de rappeler ici que les études de cet ordre n'ont jamais passé pour amusantes. Au demeurant, personne n'est obligé de les lire. »

    Je noterai ici que ce n'est pas parce que de telles études n'ont jamais passé pour amusantes, qu'elles ne le sont pas réellement. Il y a chez les logiciens une forme d'humour qui n'est pas toujours immédiatement perceptible, et pour cause. Le titre entier du tout petit livre est, rappelons-le : Clef de la poésie qui permet de distinguer le vrai du faux en toute observation ou doctrine touchant la rime, le rythme, le vers, le poète et la poésie.
    Rien que ça.

    « Il faudrait donc que ce mystère fût dans la loi sous-entendu. »

    Ce à quoi Paulhan s'attelle, en réalité, c'est à penser le mystère, et plus précisément, à trouver une formule qui le contienne et qui puisse s'appliquer tant aux classiques qu'aux romantiques et suivants (surréalistes inclus), qu'il appelle aussi, respectivement, rhétoriqueurs et terroristes.


    Il y parvient, d'ailleurs. Et si jamais cela intéresse quelqu'un
     d'accéder à cette clé effectivement unique, il peut aller lire le livre.

     

    6 octobre 2025

     

     

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  • Le Guerrier appliqué, de Jean Paulhan

    Le Guerrier appliqué est un grand petit livre.
    D'abord publié en 1917, c'est un des livres trop rarement cités lorsqu'il est question de la première guerre mondiale. Chaque bref chapitre en deux ou trois parties est un poème en prose. La langue de Paulhan est d'un classicisme nerveux, rapide, presque tronqué.

    Un exemple, pris dans la première page :
    « Ces paysans me connaissaient depuis mes grands-parents : ils avaient de moi une opinion ancienne, et que je respectais. Puis, je les sentais supérieurs à moi par leurs habitudes et même par leurs plaisanteries. La conviction que j'étais bien plus instruit restait ici pure et faible : elle ne me servait de rien, et c'est par ma bonne volonté que je continuais à mériter leur estime. »
    Cette langue est sans doute utile à comprendre le grand éditeur (cinquante ans à la nrf, pour aller vite) qu'aura été Paulhan.

    La distance avec l'objet écrit est très grande ; l'image pourtant fulgure.
    « Plus que tout le reste, une cave, éventrée avec son trottoir, me troubla. L'on voyait par la crevasse un buffet ciré, sous un hachis d'étoffe, de terre et de bois, et cette sécurité trompée. »

    Le narrateur s'appelle Jacques Maast (un pseudonyme que l'auteur réemploiera) et il a dix-huit ans au début de la guerre ; Paulhan, lui, en a vingt-neuf et il a déjà été professeur à Madagascar. L'impression pourtant demeure nette que c'est l'auteur qui parle.
    Pris dans le chapitre Comment est mort Glintz : « Le chagrin simple et sans retour que nous eût donné, dans la paix, la mort d'un ami, il est sûr qu'aucun de nous ne l'éprouva. Peut-être avions-nous ici l'impression d'entrer enfin dans la vraie guerre dangereuse, et contre nous-même le plaisir d'une attente satisfaite. Ou bien, par une réflexion plus personnelle, nous éprouvions vaguement qu'il y avait eu une chance de mort sortie, et qui n'avait pas été la nôtre. »


    25 septembre 2025

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