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roman - Page 2

  • ...le roman pour quoi faire ?

    Parfois le bras me tombe et je songe à quitter ce roman impossible et à plutôt écrire directement à mes enfants, mais je ne suis pas doué pour la parole directe, je n'ai rien à dire qui soit certain, il me faut la fiction et sa possible explosion cognitive et je finis par vite remettre l'ouvrage sur le métier.

    8 novembre 2023

  • Jetables

    Le roman sociologique européen a vécu. Certains auteurs français parmi les moins médiocres s'y échinent encore. Leurs livres sont au mieux prenants, le temps de la lecture. Ils n'en demeurent pas moins jetables : on ne les lira pas deux fois, si même on va au bout. Les lecteurs qui les lisent s'identifient mollement aux personnages un peu falots qui hélas leur ressemblent, et sont plus ou moins politiquement d'accord avec ces auteurs qui, tout de même, exagèrent, les coquins (mais "c'est pour ça, comme Houellebecq, qu'on les aime...").

    (Who ails tongue coddeau, aspace of dumbisilly? Joyce, Finnegans Wake)

    Le roman a donc l'air d'une survivance du XIXème siècle, considérablement affaiblie par ses propres mutations dans le cours du temps, survivance à laquelle nous serions tenus, faute de quoi que ce soit d'autre ; c'est un miracle déjà qu'il ait tenu jusqu'aux années 1960 (sa persistance depuis est un fait de commerce et d'habitude). Chaque succès, chaque publication même, a l'air d'un enterrement au cours duquel on fait l'éloge de la probe originalité du défunt ; mais cet éloge et cette originalité sont également convenus.

    17 octobre 2023

     

  • Relativisons

    La probabilité qu'un roman publié soit mauvais est, disons, de 99,9%. Je devrais donc laisser là le mien. Tout le monde devrait laisser là son livre et aller prendre l'air. Et ne surtout pas se réjouir s'il est publié. Comme si cela ne suffisait pas d'avoir perdu mon temps à l'écrire, je voudrais sans vergogne que d'autres perdent leur argent pour lui.

    Les livres vraiment trop mal écrits ne seront pas publiés : la médiocrité a son plancher ; qui, certes, année après année, descend. Le plafond descend avec, d'ailleurs : ce qui tend à faire que les très bons livres n'ont plus aucune chance d'être publiés ; ni même, désormais, les simplement intéressants. C'est pour ces derniers que c'est le plus embêtant, les très bons livres n'ayant en réalité, au vu de ce qu'auront lu les auteurs, presque aucune chance d'être écrits. Et tout le reste est relativisme.

    21 octobre 2023

  • La peau sur la table, de Marion Messina

    Ce court roman (à maints endroits, on se demande pourquoi Messina n'a pas plutôt écrit un essai socio-politique) s'intéresse à des personnages banals, appauvris et paumés, que la politique et l'économie broient. Il s'y dit en somme que le fascisme revient par le centre de l'échiquier ; et qu'il va vaincre. (Partager partiellement cette opinion m'a certainement permis d'aller au bout du livre.) Les personnages (les "lambdas" comme la présidente de la République) sont bien choisis, avec leur généalogie précise et leur situation fouillée, mais aucun n'est doté d'une intériorité réelle, même croupion (sauf peut-être Paul). Toutes ces silhouettes seront fracassées, sauf la présidente.

    La peau sur la table tient beaucoup du journalisme de qualité (mais qui prophétise ce qui est déjà là) et pas assez du roman. Surtout, c'est trop court (et j'en espère presque que ce soit la faute de l'éditeur) et l'action principale est étouffée : sans vue d'ensemble, politique ou même topologique, la révolte en cours, à moins que ce ne soient les prodromes d'une révolution, ne nous parvient que par bribes, mangée par les généalogies intimes et sociologiques des personnages, ce qui constitue un véritable défaut de composition.

    Cette brièveté est frustrante, et nous ne savons pas comment l'ordurerie politique en cours va continuer, l'auteur se refusant à entrer de plain pied dans l'anticipation. Et cette Christiane qui apparaît à la dernière page, pourquoi n'avons-nous pas eu son parcours ? Comment est-elle arrivée là ? 

    14 octobre 2023

     

    La peau sur la table, Marion Messina, Fayard