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Science

  • Exclure l'exclu

    J'étais en train de sécher lamentablement dans la section qui de ma machine qui s'appelle Attractor-42.

    Pendant une pause technique (pisse, café), j'ai lancé (je ne sais pourquoi) en fond sonore la seule interview de Dantec que je trouve intéressante (celles à la télé française sont catastrophiques), qui est celle donnée dans une bibliothèque, la nuit, à Montréal. 

    Et j'ai repris mon lamentable séchage, ou plutôt, la saisie sur ordinateur de mes insuffisances manifestes. Quand tout à coup Dantec a causé d'Aristote (en mal) et de tiers inclus. Et de Maistre (Joseph de) et de réversibilité (ma lecture des Soirées de Saint-Pétersbourg commence à sérieusement dater). J'ai remonté la bande d'une minute. Ah mais je suis bien d'accord, qu'on ne peut parvenir à rien dans la vie avec le tiers exclu. 

    J'ai jeté quelques mots dans un moteur de recherche, et je suis tombé sur Lupasco. Je me suis demandé si Dantec avait lu Lupasco. On ne sait jamais, avec lui (il n'y a pas qu'Abellio), dont la bibliothèque était un arsenal.

    J'ai résisté encore quelque temps à commander un bouquin de Lupasco. Je viens de le faire.

    25 janvier 2025

  • L'homme configuré

    Norbert Wiener dans Cybernétique et société en 1954 :

    « Il n'y a pas de distinction absolue entre les types de transmission que nous utilisons pour envoyer un télégramme d'un pays à un autre et ceux qui sont du moins théoriquement possibles pour transmettre un organisme vivant tel un être humain. Admettons donc l'idée selon laquelle nous puissions voyager par le télégraphe, outre le train et l'avion, n'est pas intrinsèquement absurde, aussi lointaine que puisse être sa réalisation. »

    Internet a évidemment succédé au télégraphe. 

    Wiener, auquel la bombe atomique a posé quelques soucis éthiques, a fini par comprendre que celle-ci n'était rien en comparaison des affres qu'ouvrait ce qu'il a nommé cybernétique. Je cite ci-dessous (comme d'ailleurs ci-dessus) le remarquable texte de 2014 de Cassou-Noguès, Les rêves cybernétiques de Norbert Wiener :

    «Wiener commence par opposer la mécanisation de l'humain, avec l'usine automatique, et l'humanisation de la machine, avec l'image de la prothèse. La machine doit se soumettre à la volonté humaine. La machine ne doit pas être usine mais prothèse. Seulement les prothèses ont, pour ainsi dire, mangé le corps humain. Elles en ont remplacé toutes les parties, de sorte que c'est finalement dans une machine que l'humain prétend s'incarner. Et justement, que reste-t-il d'humain dans le dispositif ? »

     

    22 janvier 2025

     

  • Lyotard et la mort du Soleil

    Pour Lyotard, les techno-sciences sont déterminées par la mort du Soleil.
     
    « Vous décidez de relever le défi du plus que probable anéantissement de l'ordre solaire et de votre pensée. Et la tâche, alors, la seule, est fort claire, déjà commencée depuis longtemps : simuler les conditions de la vie et de la pensée de telle sorte qu'une pensée reste matériellement possible après le changement d'état de la matière qu'est le désastre. »
     
    « Le problème des techno-sciences s'énonce donc : assurer à ce software un hardware indépendant des conditions de vie terrestre. Soit : rendre possible une pensée sans corps, qui persiste après la mort du corps humain. »
     
    Dans L'Inhumain, causeries sur le temps, Galilée, 1988.
    J'ai trouvé les citations dans Les rêves cybernétiques de Norbert Wiener, de Pierre Cassou-Noguès, Seuil, 2014
     
    20 janvier 2025

  • Descartes, Pascal, Brisville

    Dans Le Souper, Brisville mettait face à face, un mois après la défaite de Waterloo, dans un Paris occupé par les Anglais, les Prussiens et les Russes, Talleyrand et Fouché. Il était tenu par l'Histoire à faire s'entendre ces deux tordus de talent. On ne sent pas d'ailleurs qu'il prenne davantage le parti de l'un que celui de l'autre.
    Dans L'entretien de M. Descartes avec M. Pascal le Jeune, en revanche, l'auteur n'est tenu à aucune conformité historique ; seuls les ouvrages et biographies des deux penseurs lui tiennent lieu de guide. Volonté ou non, la pièce nous somme de choisir entre deux penseurs aux idées et aux actions si différentes (en ces matières je suis très volontiers Péguy et tiens qu'il faut comparer les idées aux idées et les actions aux actions). Je ne pensais pas si nettement pencher pour René Descartes (d'autant que j'ai vraiment beaucoup lu Pascal, dont l'édition Le Guern des Pensées m'a servi souventefois de livre de chevet) ; je pourrais en accuser un peu la façon dont Brisville traite Pascal, mais je crois que ce ne serait pas juste. Pascal en effet y apparaît d'abord comme une manière de jeune janséniste forcené, souffreteux et reniant la raison pour le salut de son âme, et cela fait surtout comprendre que le désordre des Pensées nous permet de lire le Pascal que nous souhaitons, et de sortir à volonté tel morceau de tout contexte et de le faire entrer en résonnance avec ce que nous « pensons », nous. Descartes est moins commode à utiliser à son gré, puisqu'il a abouti ses grands ouvrages. L'homme Descartes a vécu davantage ; il est prudent et réfléchi et sait qu'il n'est pas courageux tous les jours. Le champion de la raison cultive le désœuvrement et rappelle que sa science lui est venue d'une série de trois rêves ; quant à son dieu, il est si pensé qu'il ne ressemble point à celui dont témoigne Pascal.

    « PASCAL. Ainsi, vous ne feriez rien pour convaincre un interlocuteur de bonne foi ?
    DESCARTES. J'abandonne ce soin à mes travaux qui sont chez le libraire, et me garde ma liberté. Il n'est rien tant à quoi je tienne. »

    S'il faut trouver un point commun aux deux personnages de L'Entretien Brisville, ce serait cette étrangeté qui fait qu'aucun des deux ne recherche la gloire et même que tous deux, quoique fort différemment, la fuient.

    20 janvier 2025

    Jean-Claude Brisville, Le Souper, suivi de L'Entretien de M. Descartes et de M. Pascal le Jeune, et de L'Antichambre, Babel Actes Sud

  • Dantec 1999

    Je suis dans la librairie, je prends sur un rayon le poche du Théâtre des opérations (journal métaphysique et polémique 1999) de Dantec et l'ouvre au hasard :

    « Il faut donc bien saisir cela : l'écologie humanitaire qui marche aux bons sentiments ou au charlatanisme new age, ne veut tout compte fait qu'établir une stricte conservation de cet état du monde (et pour certains, restaurer l'ancien, avant la venue de l'industrie, voire de l'homme lui-même), elle refuse de comprendre que pour assurer sa survie l'homme devra entreprendre le surpassement, la transformation effective, écosystémique et globale de ce monde.
    Car avant de terraformer Mars, il est clair désormais que nous allons devoir terraformer la Terre. » 

     

    8 janvier 2025