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Science - Page 2

  • Prométhée

    PROMÉTHÉE
    Ce que mon cœur souhaite est aussi l'avenir.

    Ce n'est pas tant que l'homme soit bon, loin de là, mais il est meilleur que les Dieux.
    Prométhée enchaîné est une pièce sans action. Je la relis dans une traduction en vers de Pierre Demoulin. Etrangement (ou non), elle a moins vieilli que les proses (et la récente adaptation de Py).
    On enchaîne Prométhée à la première scène, et il est toujours enchaîné à la fin de la dernière. Du moins a-t-on appris qui le délivrerait. Deux pièces plus tard, puisqu'Eschyle a écrit une trilogie (les deux derniers opus sont perdus.)

    Prométhée, c'est le feu donné aux hommes, bien sûr ; mais pas seulement. C'est aussi les maisons de brique et de charpente, la compréhension du retour des saisons, le Nombre (la plus pure invention), l'écriture, les arts, le dressage et la domestication des animaux, le navire, l'airain, le fer, l'argent et l'or... Mais la prédiction, également.
    Chez l'Homme, tous les arts viennent de Prométhée. (Prométhée)
    Rien ne dit, donc, que ce soit terminé (et par arts il faut entendre ici toutes les techniques, technologies incluses.)

    Ce qui est certain, c'est que Zeus est un tyran terrible. Qui règne par la force. Et terrorise même les Dieux (Héphaïstos, notamment). A la force prédatrice de Zeus (et de la nature), Prométhée (annonçant peut-être Ulysse) oppose la ruse et ses techniques (arts).

    La pièce d'Eschyle est sans action apparente aucune et on se demande ce qui peut bien amener Io à ce toit du monde de Scythie où est enchaîné Prométhée, qui a volé aux Dieux le feu.
    Le hasard ?
    Non.
    Eschyle.
    Car le poète ici (Shakespeare Ier, selon Victor Hugo, puisque pour lui Shakespeare est Eschyle II (je plaisante)), à défaut d'action dramatique, fait une démonstration, et, comme il se doit, il la fait entre les lignes. Le fait qu'un des petit-fils d'Io doive être plus tard le libérateur de Prométhée ne nécessitait pas la présence d'Io, puisque de ce fait là, Prométhée, qui connaît l'avenir, est déjà au courant.

    Io est là pour montrer que la tyrannie de Zeus est complète et ne s'adresse pas qu'à Prométhée ; elle empêche toute civilisation ; elle est la sauvagerie même et veut y ramener les hommes (c'est pour leur avoir donné conscience, technique et partant, civilisation, que Prométhée est supplicié, quoi qu'il sache que son supplice aura un terme).
    Le châtiment d'Io est terrible en effet ; pour avoir refusé de se donner à Zeus (qui prend par force ce qu'il veut), ce dernier l'a transformée en génisse, errant paniquée dans le monde, poursuivie par un taon. Encore la pauvre n'est-elle pas au bout de ses supplices.
    Il fallait à Eschyle cet élément féminin pourtant (techniquement) étranger au drame de Prométhée.

    IO
    Le sceptre du tyran, qui pourrait donc le prendre ?

    PROMÉTHÉE
    Lui-même le perdra par son esprit dément.

     

    6 janvier 2025

     

  • Sur *Stella Maris* de Cormac McCarthy

    Je relis Stella Maris.

    Les deux ultimes romans de McCarthy ne se suivent pas mais se font face. C'est une sorte de dispositif.
    Je pense néanmoins qu'il est préférable de lire d'abord le roman de Bobby Western, Le Passager, relativement déroutant déjà, avant d'entrer dans celui d'Alicia Western, Stella Maris, qui est un roman si l'on veut (disons, un roman et quelque chose en plus. Ou autre chose qu'un roman. C'est surtout cela, je crois) parce qu'on y entrera muni déjà de nombre de clés biographiques et chronologiques.
    Le Passager est le roman du physicien défroqué Bobby, homme en fuite, errant parmi les lieux de sa vie dispersée ; Stella Maris, le livre de la mathématicienne défroquée, enfermée de son plein gré dans l'institution donnant son titre marial à l'ouvrage, consiste intégralement dans l'enregistrement (si j'ose dire) des neuf séances d'Alicia, avec le médecin psychiatre Michael Cohen, qui précédèrent son suicide.

    (On peut imaginer par exemple que Bobby Western est aussi intelligent que McCarthy, ce qui est déjà assez impressionnant. Mais Alicia, elle, est beaucoup plus intelligente que l'auteur, et que tout le monde (exceptons Grothendieck, Gödel, Oppenheimer, et Husserl et Platon, si vous voulez, toutes personnes, sauf le dernier, qui ne se sont pas exprimées par la fiction (au sens ordinaire)) ; et ce n'est pas rien de réussir un tel personnage, et de le rendre aussi émouvant. Il se peut ici que la structure dialogique du livre ait été d'un grand secours à l'auteur (mais je n'y reviendrai pas).

    Détour.
    J'aime citer souvent la belle phrase de Guy Debord en son Panégyrique : « Personne, mieux que Shakespeare, n'a su comment se passe la vie. » 
    (Souvent, j'ajoute que nous autres Français, nous avons bien sûr Molière et Balzac. De plus en plus, à force de le relire, je mettrais La Fontaine au-dessus du lot, dans le cadre d'une comparaison à Shakespeare, s'entend).
    Mais ce qu'il faut entendre, dans la phrase de Debord, c'est que ce dont il est question, c'est de savoir comment se passe la vie. Et cette question-là n'est pas seulement littéraire : elle ne concerne pas moins le philosophe, le physicien, le mathématicien, l'historien, l'anthropologue.


    Le seul moyen de considérer Stella Maris seulement comme un roman, c'est de ne pas le lire. Et ça, c'est à la portée de la plupart des gens qui lisent (pour ne rien dire des autres). Ce n'est pas du tout parce qu'il est constitué exclusivement des dialogues, par exemple, que ce n'est pas vraiment un roman (et ce n'est pas du tout non plus du théâtre, même si, comme je l'ai dit, The Sunset Limited conclut une chose et en ouvre une autre: celle-ci).
    Ce n'est pas du tout un événement littéraire hors norme, comme ont pu l'être les apparitions de Dostoïevski en Russie, ou de Proust en France ; c'est un évènement (quelques qualités littéraires qu'il ait par ailleurs) qui est avant tout scripturaire ; qui dépasse aussi complètement toute idée littéraire, ce qui le rapprocherait éventuellement du Proust lu par Marchaisse, à cette différence majeure énorme que McCarthy ne cache pas du tout ce qu'il fait. C'est étalé en plein jour. Et personne ne voit. Et c'est manifestement le pari que fait McCarthy. (Ils lisent ce qu'ils veulent lire ; ils vont donc lire ce qu'ils ont l'habitude de lire, même si certains trouveront l'ensemble un peu bizarre.) Fin de la littérature romanesque. (Tant pis pour ceux qui disent comme des robots que le roman peut tout ingérer, dépasser, etc.)

    Une autre conséquence de tout cela, c'est qu'il va falloir lire ou relire toute l'œuvre de McCarthy à l'aune de Stella Maris. Cormac McCarthy n'est donc pas seulement ce talentueux faiseur de westerns (tiens), ou de romans apocalyptiques (même si La Route est aussi un livre magnifique de la relation père-fils).

    Basta for today.

    29 octobre 2024

     

  • Feindre donc, Descartes

    I could be bounded in a nutshell and count myself a king of infinite space.
    Hamlet, dans Hamlet, de Shakespeare

    Il m'a pris cet été, disons début juillet, de lire Le discours de la méthode. Je pourrais dire relire, mais comme il ne m'en restait rien, hors le célèbre mot, je crois que lire est plus juste. 

    Je me suis aperçu fin août que beaucoup de ce qui y est dit était déjà tombé dans un relatif oubli et qu'il me fallait faire un effort important pour me ressouvenir de certains détails ; ces souvenirs à leur tour me semblent mal formulés, puisqu'ils le sont à ma sauce (et non point dans la langue si belle, à y bien regarder, de Descartes).

    Depuis deux semaines, je promène le livre dans la poche intérieure de ma veste. Je relis souvent les trois ou quatre premières parties. M'a frappé l'autre jour à quel point dans la quatrième partie, celle du fameux cogito en français, qui commence comme commencerait une lettre, le verbe feindre était important.

    Et si je résume d'un arc étrange la chose, c'est à cause que nos sens nous trompent, que Descartes se résout de feindre que toutes choses qui lui étaient jamais entrées dans l'esprit, n'étaient non plus vraies que les illusions de ses songes. Puis l'auteur entre dans la clairière du premier principe de sa philosophie : Je pense, donc je suis.

    Il faut feindre pour n'être point trompé. (Feindre n'est pas réduire, suspendre, moins encore... l'épochè.) Le bretteur Descartes a-t-il jamais hésité entre feindre et feinter ?

    Il est certes, mais cet être non parfait se sait tel parce que l'idée de perfection, rien ne venant de rien (comme dit aussi le roi Lear), a été mise en lui une nature qui fût véritablement plus parfaite : mesdames et messieurs, sous vos applaudissements : Dieu.

    Amo ergo sum, and in just that proportion. Dit Ezra Pound au Canto LXXX. 

    18 octobre 2024

     

     

     

     

  • Vinci trouvé, Vinci perdu

    J'ai revu il y a quelques semaines l'excellent documentaire d'Antoine Vitkine consacré au Salvator Mundi attribué à Léonard de Vinci, qui raconte comment un tableau découvert par hasard en 2005 et vendu 1175 $ frais d'adjudication compris est devenu en 2017 le tableau le plus cher du monde, vendu au prince d'Arabie Saoudite Mohammed Ben Salmane (MBS) pour la somme de 400.000.000 $. Un vendeur en Louisiane, une acheteur new yorkais, la National Gallery de Londres, le Louvre, un oligarque russe, un arnaqueur d'art suisse, des entrepôts à Singapour, et le prince arabe convaincu par les voleurs de chez Christie's d'acheter un authentique Vinci (l'équivalent masculin de la Joconde et non une œuvre d'atelier). Tableau que nul n'a revu depuis son acquisition ; et dont nul ne sait avec certitude où il se trouve. Roulé, le prince musulman aurait emprisonné son Christ, sauveur du monde et faux vrai Vinci.

    En refermant la passionnante et très riche biographie de Léonard par Serge Bramly (Lattès, 1982), je m'aperçois qu'il n'a été question à aucun moment (sauf erreur de ma part) de ces Salvator Mundi d'atelier (quelques historiens, manifestement depuis 1982, ont lancé l'idée qu'il existerait peut-être un original de la seule main du Maître ; original qui a fini par être inventé dans les fascinantes années 2000-1010). Et pourtant Bramly ne fait pas mystère de la prodigieuse incapacité (il est également parfois empêché par les évènements politiques) de Vinci à finir ce qu'il a commencé. 

    18 septembre 2024

  • Le théorème de Proust, de Thierry Marchaisse

    Terre !
    Christophe Colomb

    1 Prédiction

    « … c’est à la cime du particulier qu’éclot le général », écrit Proust à Halévy.
    Je ne connais pas Thierry Marchaisse. Mais il est tranquille, à présent. Il a publié son livre, à ses conditions, dans sa propre maison d’édition. (Qui d’autre l’aurait fait ?) Il sait que c’est un livre important. Sans précédent. Il sait qu’il sera lu. Un jour. Il sait que tout travail universitaire sur Proust verra son livre figurer dans la bibliographie (ce qui n’a aucune espèce d’importance). Il sait que la plupart des gens qui le feront figurer là ne l’auront pas lu, pas vraiment lu, au mieux l’auront survolé (pfiou, la logique). Jusqu’au jour, Dieu sait quand, où quelqu’un le lira. Et mieux encore, s’en servira. Et se plantera (au moins littérairement — je peux expliquer ça, mais je n’ai pas le temps). Il sait que son livre un jour pourra être à l’origine de choses nouvelles et extraordinaires (et de pléthore de pénibles imitations), ce qui en fait au sens propre un livre génial, étant lui aussi tout à fait neuf et extraordinaire.
    Le livre est si dense, excède tant mes capacités, que je suis obligé pour en parler de prendre ce ton par-dessus la jambe, seul susceptible de me mener où je vais.

     

     2 Double vocation

    « Enfin un lecteur qui devine que mon livre est un ouvrage dogmatique et une construction ! » écrit Proust à Rivière en 1914.
    Le théorème de Proust n’est pas un livre, pour une fois, qui a l’air d’avoir été écrit par un descendant de personnages de Proust, en général le sentencieux bâtard d’une Verdurin de compète et d’un Charlus qu’elle aurait un soir d’ivresse un peu forcé. D’ailleurs, à la différence de tant d’autres ouvrages sur La Recherche, auxquels on ne comprend rien si on n’a pas lu Proust, perdu que l’on est dans les entrelacs des relations entre de trop nombreux personnages inconnus, le livre de Marchaisse (synthèse de trente ans de travail et de cinquante ans de lecture de la Recherche), pourrait être tout à fait lisible à qui n’a pas lu de Proust une ligne ; ce qui pourrait même ensuite créer une nouvelle sorte de lecteurs de Proust, qui se croiraient en quelque sorte dispensés de la lecture naïve (comme si cela se pouvait).
    L’auteur tient pour acquis le génie littéraire exceptionnel de Proust et, en quelque sorte, n’y revient pas : son but unique est de montrer, avec les outils de la logique, et eux seuls, que La Recherche est également une démonstration logique cryptée, le mot de démonstration étant de Proust (qui ne s’en explique guère) ; que Proust est en somme deux fois un génie ; d’où le sous-titre de l’ouvrage, à prendre au premier degré et avec le plus grand sérieux : Une cryptanalyse de la Recherche. Par quoi la Recherche n’est pas seulement le livre d’une vocation littéraire, mais d’une vocation double, littéraire et logique.
    Je ne suis pas logicien (ni universitaire ni critique, d’ailleurs) et tiens pour justes tous les raisonnements de l’auteur ; ce qui m’intéresse, ce sont leurs conséquences éventuelles. Je laisse donc tout lecteur intéressé se reporter à ce que Marchaisse établit des idées infiniment fécondes, infiniment puissantes ; et même doublement infinies.

     

    3 Sans entrer dans aucun détail technique

    « […] le décryptage de la démonstration de Proust repose sur l’analyse logique de ses allusions, type de signal complexe qui appartient à la catégorie des « signaux faibles ». » (p. 273)
    « Dès lors, une fois mises de côté toutes les allusions cryptologiques non essentielles de Proust, on s’aperçoit alors qu’il n’en existe en fait que très peu qui soient réellement décisives et, pour ma part, je n’en ai repéré que trois dans toute la Recherche. » (p. 212)
    « Car, en parvenant à être aussi rigoureuse que cryptée, la démonstration proustienne réussit le tour de force de se passer de tout appareil théorique. » (p. 39)
    La clé du Je proustien (des « Je »), décryptée dans son premier chapitre par Marchaisse, lui  est donnée au volume III de la Recherche (Le côté de Guermantes) lorsqu’il est question « de la vocation invisible dont cet ouvrage est l’histoire. » Partant, il s’achemine à prouver que c’est bien le « je » auteur de la Recherche qui dit « je » ici, et non pas son narrateur semi-fictif, qui n’a justement lui encore entrepris aucun ouvrage !

     

    4 Au passage

    « On remarquera que l’on vient de réfuter, au passage, une idée largement reçue, à savoir qu’on ne saurait trouver de véritables démonstrations qu’en mathématiques. Ou tout au plus dans les sciences dites « dures », parce qu’elles sont justement plus ou moins mathématisées. »
    […] « Il en résulte donc bien, plus généralement, que les mathématiques n’ont aucun monopole en matière de démonstration ou de théorème. Car, d’un point de vue logique, l’ensemble des démonstrations mathématiques ne saurait être qu’une partie de l’ensemble des démonstrations possibles. Comme l’ensemble des théorèmes mathématiques ne saurait être qu’une partie de l’ensemble des théorèmes possibles. »
    Au passage, dit Marchaisse. Ben voyons.

     

    5 Théorèmes de Marchaisse

    Les lemmes, axiomes et théorèmes que Marchaisse décrypte de la Recherche n’ont jamais été écrits par Proust, pour l’excellente raison qu’il les a cachés dans son grand œuvre.
    Les théorèmes de Proust sont les théorèmes de Marchaisse.
    Si ces théorèmes de Marchaisse sont vrais, ils sont vrais pour d’autres œuvres que celles de Proust, qu’elles existent ou non à ce jour.
    Le livre de Marchaisse n’est donc pas seulement un livre tourné vers Proust et sa Recherche, au sens où ce qu’il contient donne accès à des connaissances concernant l’œuvre littéraire singulière de Proust et partant, non-transposables à un autre auteur singulier ; c’est également un livre qui quitte Proust et la Recherche, ayant déduit de cette dernière une série de théorèmes valables universellement pour toute œuvre qui serait donc logico-littéraire.
    (La question du pluriel. Marchaisse décrypte neuf théorèmes et intitule son livre Le Théorème de Proust. Ce ne peut être un hasard.)

     

    6 Möbius toi-même

    Les œuvres de Proust antérieures à la Recherche sont ou littéraires ou théoriques et n’auraient presque aucune importance si elles n’avaient été suivies du grand roman ; seule la Recherche, avec l’invention par Proust de son double sujet (lisez Le théorème de Proust, de Thierry Marchaisse), permettra la coexistence en une seule œuvre de deux œuvres, l’une littéraire et obvie, l’autre logique et cryptée, selon le modèle du ruban de Möbius — à la différence toutefois que l’on n’accède à l’œuvre nécessairement par une seule face du ruban, la littéraire, qui oblige à une lecture naïve, le lecteur croyant que le ruban a une seule face (le livre ne se présentant pas physiquement comme un ruban. Je plaisante.)
    « Il se trouve que le premier livre de Proust fut pendant longtemps son seul et unique livre, si longtemps que cela aurait pu aussi bien être le dernier, malade comme il l’était. Proust est resté, en effet, pendant dix-sept ans, « l’auteur de Les Plaisirs et les Jours », puisqu’il a publié ce premier livre à 25 ans (en 1896) et qu’il n’en a pas publié d’autres avant 1913, c’est-à-dire avant le premier volume de la Recherche. »
    Il en va sans doute de même pour les ouvrages précryptanalytiques de Marchaisse consacrés à Proust (de 1990 à 2020), ce que l’auteur laisse entendre dans son Avant-Propos. Il reste à se demander, du coup (car je suis sous le choc), si le livre de Marchaisse, se présentant lui par la face logique du ruban n’a pas une forte dimension littéraire cachée (cryptée ou non).

     

    7  Colombus Marchaisse

    La phrase de Proust à Halévy donnée en exergue à mon premier point peut certainement être retournée (un ruban, après tout…) et l’on peut alors voir éclore le particulier à la cime du général.
    L’auteur n’est sans doute pas sans y penser, à la fin réelle de sa démonstration (juste avant les Annexes) : « Car il y a au moins un certain type d’esprits que la logique de la Recherche ne peut laisser indifférent, à savoir ceux qui sont tournés, comme son auteur, vers la recherche et la création. »
    Et encore, à la même page : « [ …] tous les vieux apprentis créateurs qui partagent l’idéal transgenre de Proust1, et sont donc suffisamment artistes et théoriciens pour être doublement exigeants avec eux-mêmes. Car un tel idéal voue nécessairement tous ses chevaliers servants à expérimenter eux aussi très longuement la stérilité, le doute et l’échec dans leurs « recherches de l’esprit » pascaliennes. »
    Les neuf théorèmes de Marchaisse, après tout, tiennent sur une demi-page. Mais la démonstration logique de l’auteur (les 290 pages du livre) ne serait-elle pas aussi une création littéraire pure ? (Tiens, les Indes…) A moins qu’il ne soit question bien sûr, « d’une œuvre théorique relative à un domaine nouveau. »
     

    Pascal Adam, 30-31 août 2024

    Thierry Marchaisse, Le théorème de Proust, éditions Thierry Marchaisse, 2022