Extrait de l'essai sophophilique (au à peu près) que l'on pourra trouver (si on le trouve) dans la machine :
74. Kriegspiel. Dans un demi-rêve de ces jours derniers, je donnais, un jour de ciel gris, dans un bureau en ville (New York ? Londres ?) des cours d’apprentissage accéléré du Kriegspiel. Le principe était simple : l’apprenti payait d’avance 1000 dollars ou livres (le nombre importait plus que la monnaie) et prenait autant de cours qu’il lui serait nécessaire à comprendre le jeu. Le client, dont je ne saurais dire s’il était le premier ou le énième d’une longue série, entra et posa sur le bureau (une surface absolument plane et de rien encombrée) les 1000 dollars ou livres que je rangeai aussitôt dans un tiroir, juste à côté de mon petit automatique. — Commençons, dis-je.
— Mais où est le Kriegspiel.
— Le quoi ?
— Eh bien, le plateau et les pièces.
— Mais quel plateau et quelles pièces et à qui tout cela serait-il nécessaire ?
— Mais à jouer au Kriegspiel. !
— À jouer ? Mais il n’a jamais été question de jouer !
Et je gardai pour moi quelque désobligeante remarque sur la redondance éventuelle qu’il y aurait à rappeler que spiel signifie jeu, mon client y étant manifestement sourd. Celui-ci s’énerva, réclama son argent, relut le contrat (soudain il y en eut un), y trouva stipulé qu’il ne saurait être là question de jeu sinon métaphysique (mot qui sembla redoubler sa colère), me traita de divers noms et pour finir, partit. Je crois que cet homme n’a pas perdu son argent. Ce qui est encore plus certain, me dis-je au réveil, c’est que je ne l’ai pas gagné.
27 novembre 2024