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sous les ciels de synthèse

  • Sérieux pas sérieux

    Les atrocités auxquelles je descends, et qui ne sont pas tant du futur qu'une manière combative de se saisir du présent et de le projeter, escortées par la phrase de Silouane l'Athonite, tiens ta tête en enfer et ne désespère pas, sont en quelque sorte tempérées par cette phrase de Joyce à Djuna Barnes à propos d'Ulysse : "Ce qui est dommage, c'est que le public exigera et trouvera une morale dans mon livre - ou pire il pourrait le prendre vraiment très au sérieux, mais sur l'honneur d'un gentleman, il n'y a pas une seule ligne sérieuse dedans." Pas une seule ligne sérieuse. Pourtant chacune est écrite dans le plus grand sérieux. Pascal, Pensées : "Les deux raisons contraires. Il faut commencer par là, sans cela on n’entend rien et tout est hérétique. Et même à la fin de chaque vérité il faut ajouter qu’on se souvient de sa vérité opposée." Pour la première, à voir écrit les mots sérieux et serious, je les vois clairement dériver du mot série. 

    23 novembre 2023

  • 16 octobre

    Le roman était fini, donc. Le 16 octobre, je l'ai pourtant repris. Une dernière fois. Je reprends tout, je double tout. J'avance lentement. Je tente de créer un peu d'empathie pour le monstre froid, se vidant à mesure jusqu'à devenir un de ces hommes creux dont a parlé T.S. Eliot. Je ne sais pas où je vais. Il aurait mieux valu ne pas écrire. Il va falloir descendre. Je m'en serais foutrement bien passé.

    L'idée de reprendre m'était déjà venue en avril, en découvrant Le secret de René Dorlinde de Pierre Boutang. Mon roman, si différent soit-il, partage avec celui de Boutang une grande diffraction, jusques à la disparition, de la structure narrative (quoi que cela veuille dire). Puis mai, juin, juillet, août étaient passés sans que je n'entreprisse rien, ou quelques dézingages de menues coquilles.

    Je l'ai repris le 16 octobre pour deux raisons qui me sont apparues en même temps : 1. Trois lecteurs très différents avaient récemment tenté de lire le manuscrit et aucun, je crois, n'était allé au bout des 180 pages, rien au fond ne les liant réellement au narrateur. (Et c'est une riche conversation avec mon ami Radu Stoenescu qui m'a fait effectivement commencer cette reprise.) 2. J'ai lu (dans cet ordre, qui est celui de la publication) Le Passager  et Stella Maris, les ultimes romans frères de C. McCarthy en une semaine et j'ai su très vite que j'allais devoir tout reprendre. Le nombre des dimensions que déploient les romans, à moins que ce ne soit la manière de circuler entre elles, dépasse tout ce que je connais, est mieux fluide (oui, mieux fluide) et moins seulement linéaire, le temps y existe d'une façon inconnue jusque là, et seul peut-être Finnegans Wake leur serait lointainement comparable, à ceci près, colossalement, que les deux romans de McCarthy sont intégralement lisibles. (Un homme de presque quatre-vingt dix ans, avec deux romans atomiques situés respectivement autour des années 1980 et en 1972 vient d'un coup d'ouvrir le XXIème siècle et il serait petit, ridicule, malhonnête et stupide de faire comme si cet évènement n'avait pas eu lieu.)

    J'ai dit que je doublais mon roman initial : j'ai donc commencé en octobre d'ajouter aux trois mémoires successifs de mon narrateur, des conversations enregistrées "objectives" qui ne vont pas nécessairement dans le même sens que lui ; et l'éclairent d'un jour violent. Mais, depuis novembre, je double encore ce doublement en commençant un roman parallèle (tenu par une narratrice absolument nouvelle, que je découvre à mesure, puisqu'elle n'est liée à aucun personnage précédemment existant), avec lequel le premier roman alternera, chapitre après chapitre. Le point de savoir si ce nouveau roman deux fois doublé absorbera d'une façon ou d'une autre ce que j'imaginais être sa suite (sous le titre GGS) n'est pas tranché encore.

    8 novembre 2023

     

     

     

     

     

  • Passages du temps

    Au moment où j'ai commencé d'écrire Sous les ciels de synthèse, je lisais Proust ; je venais de commencer La Recherche. Je lisais une demi-heure le matin ; plus tard dans la journée j'écrivais. 

    C'est à Chateaubriand d'abord que je pense, à la politique, qui est l'histoire, toujours en filigrane ; au palimpseste inhérent aux longs mémoires, palimpseste affiché (l'époque racontée, la date d'écriture, la date de révision ; exemple : 1789 - 1821 - 1846).

    Pourtant, c'est dans La Recherche qu'il n'y a pas de dates, ou presque, tandis que l'Outre-tombe en regorge, et cela, cette façon de se souvenir, et d'oublier, a été déterminante : on a glissé, déjà, d'un temps dans un autre, en avant, en arrière, selon tel mot qui fait pivot, peu importe, le mouvement commande.

    Les hommes dans mon roman ont été petit à petit privés de l'accès à la computation du temps.

    9 septembre 2023