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Que sait Wittgenstein ?

« Un problème philosophique est de la forme : je ne m'y retrouve pas. »
Wittgenstein, Recherches philosophiques

Il est amusant de se dire que si l'étonnant aventurier Wittgenstein avait simplement suivi un cursus ordinaire (universitaire) de philosophie, il aurait été considérablement plus empêché de développer sa propre pensée. Arrivant à la philosophie par la logique mathématique après des études d'ingénieur, il se dispense en quelque sorte lui-même de toute la part de formatage (plus ou moins 82,5%) que comporte hélas toute formation digne de ce nom. Il cherchait même parfois à dissuader certains de ses étudiants de Cambridge de poursuivre des carrières universitaires, assurant lui-même ne demeurer là que parce qu'il était capable de produire son propre oxygène. Mais il est très important aussi qu'il ait enseigné dans une grande Université, pour l'enseignement lui-même évidemment (et celui-ci me semble avoir été très expérimental et bien peu magistral), mais aussi parce que cela permet que sa pensée soit prise en compte par l'institution, et partant conservée au prix de son académisation à marche forcée ; car on peut toujours dire, me semble-t-il, qu'il ouvre une voie nouvelle, comme en son temps Descartes, rien n'empêchera le rouleau-compresseur de l'histoire de la philosophie aplatie.
Quelle idée stupide ai-je eu, aussi, de faire d'un certain L. Wittgenstein (le L. renvenrait-il parfois à Léonard) un personnage de la sixième série en cours de mon urtheatron ?

Voilà ce que je maugréais en lisant le « Que sais-je ? » sorti en octobre et consacré à Wittgenstein. C'est un défi que l'universitaire Élise Marrou relève facilement (dirait-on), de présenter l'intégralité du parcours philosophique de Wittgenstein en une centaine de pages ; tout au plus pourrait-on dire que, le plan d'ensemble de l'ouvrage étant bien conçu, les différents moments de la pensée du philosophe ont un peu l'air de sortir comme naturellement l'un de l'autre, et  de ne procéder finalement d'aucun accident. 
Lire à propos de Wittgenstein au début de l'ouvrage (p. 35) que la philosophie n'est donc pas systématique et qu'elle n'a d'autre résultat que la clarté peut prêter à sourire. Je dois confesser que toutes les propositions du Tractatus Logico-philosophicus ne me sont pas d'une clarté des plus... claires.
Le « Que sais-je ? » d'Élise Marrou atteint brillamment son but pédagogique, quoi que certains passages demandent du lecteur une concentration certaine (étonnamment surtout dès le départ, avec Carnap (je ne connais pas du tout Carnap)) (mais pourquoi ne devraient-ils pas la lui demander ?). Il est même presque surprenant que la troisième et dernière partie (avant conclusion) à sa cime nous entretienne de la vie intérieure, de la grammaire du cœur et finalement de la foi (mais il est vrai que la vie monastique avait tenté le jeune Wittgenstein) :
« La foi n'a rien d'une obédience sereine, le doute et même la notion de risque y prédominent. Sa teneur ne peut se mesurer qu'à l'aune des actes qui l'exprime et de l'importance qu'elle tient dans une vie donnée. » 


Pour boucler cet articulet sur son commencement, je termine en citant un passage de la conclusion du petit ouvrage :
« La philosophie telle que Wittgenstein la pratique se définit contre les pratiques académiques et disciplinaires de la philosophie. Elle dissout les problèmes qu'elle suscite
, fait s'évanouir et disparaître l'anxiété à la manière d'une thérapie. »

9 novembre 2025

 

 

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