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politique

  • Territoires perdus

    Peu de personnages sont aussi peu probables que Charles de Gaulle et il suffit d'avoir l'idée de transposer son caractère et ses actions dans une fiction qui ne soit pas à clé, un monde à proprement parler imaginaire, pour comprendre que De Gaulle n'est pas du tout un personnage réaliste ("Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable", notait déjà Boileau) ; si peu probables soient ses façons franches et brutales de s'opposer et ce génie de comprendre que n'ayant rien à perdre il doit absolument ne surtout rien céder, elles le sont finalement bien davantage que ses réussites sur presque tous les fronts où il aura engagé le combat. C'est ce que je me suis dit après avoir lu à grande vitesse L'ami américain d'Eric Branca, roboratif ouvrage racontant "la guerre de trente ans" contre l'Amérique, contre l'invasion américaine, militaire, économique, monétaire et culturelle, qu'aura livrée De Gaulle, parallèlement d'abord à celle contre l'Allemagne, entre 1940 et 1969. Il semble bien, depuis, que des gouvernants de rencontre aient donné, plus encore que vendu, notre pays et que la combinaison OTAN-UE ait enfin réussi où l'AMGOT des Roosevelt et Truman avait échoué. Cette permanente infestation de traîtres à tous les étages de la politique, de l'économie et du journalisme ; l'accoutumance que nous en avons prise ; non moins que l'abrutissement culturel programmé et la tiers-mondisation islamique accélérée, devraient évidemment nous désespérer tout à fait si l'exemple tout à coup ne nous éclairait de cet homme parti seul continuer une guerre perdue sans rien céder pourtant à ses rivaux d'alliés. La situation ne saurait être si horrible que le désespoir en serait justifié. Et moi, qui, enfant, avais été si sensible aux cartes de France, et si troublé de celles où le royaume était portion congrue, au commencement du règne de Philippe-Auguste par exemple, comment n'aurais-je pas été ému par la phrase de Malraux sur l'homme de juin 1940 : "La France, c'était, devant lui, deux tables en bois blanc." On ne l'eût pas vue sur une carte.

    1er septembre 2023

     

    L'ami américain, Eric Branca, Tempus-Perrin

  • Situation de la littérature mondiale en 1987, par Alexandre Zinoviev

    "La situation de la culture mondiale s’est transformée à notre époque. La littérature a perdu son rôle dirigeant. Elle a été reléguée à l’arrière-plan par le cinéma, la télévision, la science et le journalisme. D’autre part, elle a connu une croissance quantitative qui l’a portée à des dimensions sans précédent. Des centaines de milliers de nouveaux livres sont édités chaque année dans le monde. La littérature est devenue un phénomène de masse, non seulement par le nombre de lecteurs, mais aussi de par le nombre d’écrivains. Elle s’est transformée en une industrie littéraire et s’est soumise à toutes les lois du marché.

    Un lecteur cultivé au sens ancien de ce mot est devenu très rare et il est perdu dans la masse des lecteurs littérairement primitifs. La publicité et l’affût du sensationnel des moyens d’information de masse ont écarté le talent littéraire. Les critères esthétiques de jugement des productions littéraires se sont effondrés. Ils ont été remplacés par les critères de la production mercantile et de l’adaptation aux besoins de la presse. La critique littéraire professionnelle a disparu. C’est le journaliste qui se charge de ce travail autrefois qualifié. L’intérêt porté à la littérature a diminué. La pression idéologique qui s’exerce sur elle a crû outre-mesure.

    L’on peut distinguer deux lignes dans la production littéraire actuelle : l’une est horizontale et l’autre, verticale. La première concerne les flots de livres qui suivent les intérêts du marché, de l’idéologie ou de la politique. La deuxième représente le progrès de la littérature en tant que forme de savoir et de représentation du monde en fonction de ses lois internes de développement et de critères esthétiques. Cette deuxième orientation s’est laissée absorber à un degré tel que l’on peut constater qu’elle s’est pratiquement effondrée en tant que ligne de force du développement littéraire. Ce qui est essentiel désormais dans l’appréciation d’un écrivain, ce n’est pas la nouveauté de son apport à la création littéraire, mais comment il satisfait les goûts et les besoins de certains cercles qui, dans la société, possèdent une influence sur le sort des écrivains et de la production littéraire."

    Alexandre Zinoviev, Mon Tchekhov, écrit en 1987. Editions Complexe, 1989

     

     

     

  • Sédé

    J'en suis revenu, le temps au moins d'une insomnie, à mon sédévacantisme politique de 1991, manière d'anarcho-gaullisme qui se rêverait armé, mais sans uniforme, celui-ci étant abandonné à l'atlantisme, ce vichysme du temps de paix.

    Je résumerais ainsi ma position d'alors et de cette nuit : La France est un pays qui n'a aucun représentant. Toutes les autorités sont donc illégitimes, qui concourent à son extinction, en son nom même.

    Restait la langue française ; que ces mêmes autorités allaient conjointement s'entendre à faire disparaître à grande vitesse. Il y a 97,8% de chances qu'un artiste aujourd'hui soit un imbécile inculte, autocentré et très satisfait de lui, essentiellement occupé à répéter des conneries sur sa planète, son genre, sa race et je ne sais quelle oppression dont il se trouve narcissiquement valorisé d'être la victime ; l'analphabète diplômé du capitaine Haddock, en somme.

    20 août 2023