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idéologie

  • Barbarie

    La Barbarie est un livre qui met utilement en garde contre la science (contre sa détestation de la vie, de la culture), qui se veut objective au point qu'elle ignore, l'écartant a priori, ce qu'elle vient ravager : toute la vie subjective, laquelle pourtant permet son existence. Ce n'est donc pas d'une crise de la culture que parle Michel Henry, mais de sa destruction. Et finalement, une telle science se confond avec son idéologie techniciste, qui veut que tout ce qui peut être fait soit fait (sans égard pour rien de sacré ou d'important), et ne comprend pas, ne peut pas comprendre, que partout où elle triomphe, la vie s'éteint. (Je résume à la hache, me passant du sabir phénoménologique (ça y est, c'est raté) qui me fait de plus en plus souvent, symétriquement si j'ose dire, le même effet que ce qu'il dénonce, à savoir d'un déploiement conceptuel fait pour placer la vie sous l'éteignoir.) La mise sous le boisseau de l'art (qui n'est plus lui-même le médium, puisqu'il a besoin, pour (aller) se faire voir, des médias) ou la destruction de l'Université sont bien réelles. Et l'auteur de conclure, 1987, que tout culture ne peut plus être qu'underground, je dirais aujourd'hui : clandestine.

    3 février 2024

    La Barbarie, Michel Henry, Grasset, 1987 ; PUF, 2014

  • Situation de la littérature mondiale en 1987, par Alexandre Zinoviev

    "La situation de la culture mondiale s’est transformée à notre époque. La littérature a perdu son rôle dirigeant. Elle a été reléguée à l’arrière-plan par le cinéma, la télévision, la science et le journalisme. D’autre part, elle a connu une croissance quantitative qui l’a portée à des dimensions sans précédent. Des centaines de milliers de nouveaux livres sont édités chaque année dans le monde. La littérature est devenue un phénomène de masse, non seulement par le nombre de lecteurs, mais aussi de par le nombre d’écrivains. Elle s’est transformée en une industrie littéraire et s’est soumise à toutes les lois du marché.

    Un lecteur cultivé au sens ancien de ce mot est devenu très rare et il est perdu dans la masse des lecteurs littérairement primitifs. La publicité et l’affût du sensationnel des moyens d’information de masse ont écarté le talent littéraire. Les critères esthétiques de jugement des productions littéraires se sont effondrés. Ils ont été remplacés par les critères de la production mercantile et de l’adaptation aux besoins de la presse. La critique littéraire professionnelle a disparu. C’est le journaliste qui se charge de ce travail autrefois qualifié. L’intérêt porté à la littérature a diminué. La pression idéologique qui s’exerce sur elle a crû outre-mesure.

    L’on peut distinguer deux lignes dans la production littéraire actuelle : l’une est horizontale et l’autre, verticale. La première concerne les flots de livres qui suivent les intérêts du marché, de l’idéologie ou de la politique. La deuxième représente le progrès de la littérature en tant que forme de savoir et de représentation du monde en fonction de ses lois internes de développement et de critères esthétiques. Cette deuxième orientation s’est laissée absorber à un degré tel que l’on peut constater qu’elle s’est pratiquement effondrée en tant que ligne de force du développement littéraire. Ce qui est essentiel désormais dans l’appréciation d’un écrivain, ce n’est pas la nouveauté de son apport à la création littéraire, mais comment il satisfait les goûts et les besoins de certains cercles qui, dans la société, possèdent une influence sur le sort des écrivains et de la production littéraire."

    Alexandre Zinoviev, Mon Tchekhov, écrit en 1987. Editions Complexe, 1989