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orwell

  • Nous autres, de Zamiatine

    Le premier. 1920. Sans lui, ni Huxley ni Orwell.
    Poursuite du bonheur façon soviet.
    Etat Unique.
    Désindividuation. Numéros. D-505, le narrateur, va penser. Donc trahir.
    Couvre-feu. Guerre à l'imagination. Et aux plaisirs (y compris alcool, tabac).
    Conquête spatiale.
    Découplage sexe/reproduction.
    On y est.

    « Ecoutez, dis-je à mon voisin en le tirant par la manche. Ecoutez, je vous dis ! Répondez-moi : de l'autre côté de la limite de votre univers fini, qu'y a-t-il ? »

    Zamiatine est d'une grande finesse sensible.
    Son écriture est d'une grande économie. La poésie partout affleure.
    On est presque surpris que livre ne soit pas en vers.

    « Seuls les anciens connaissaient la pitié, résultat d'une profonde ignorance de l'arithmétique, qui nous paraît ridicule à l'heure actuelle. »

    (Il y a un lien, je crois de plus en plus, entre le vers et la technologie.
    Un lien logique.)

    (De toute façon, si l'on considère que les langues ont toujours eu deux régimes, vers et prose, la disparition de l'un n'est que le prodrome de la disparition de l'autre. Et appeler vers n'importe quoi ne change rien à la chose.)

    21 mai & 3 septembre 2024

    Eugène Zamiatine, Nous autres, traduction de B. Cauvet-Duhamel, Gallimard, 1971. (Notons que plusieurs nouvelles traductions sont récemment sorties.)

     

     

  • Tout seul dans son coin

    "En attendant, le totalitarisme n'a pas encore totalement triomphé partout. Notre propre société est toujours, au sens large du terme, libérale. Pour exercer son droit à la liberté d'expression, il faut se battre contre des pressions économiques et une grande part de l'opinion publique, mais pas encore contre une police secrète. On peut dire ou imprimer presque tout ce qu'on veut tant que l'on est prêt à le faire tout seul dans son coin."

    Lu ce petit texte de  George Orwell de 1946, traduit par Thomas Bourdier (qui n'a pas peur du verbe impacter, qui manquait à notre langue) et publié aux excellentes éditions R&N (une maison qui écrit en toutes lettres sur son site Veuillez noter que nous ne lisons pas les manuscrits ne peut qu'être excellente.)

    "Il ne sera probablement pas au-delà de l'ingéniosité humaine de faire écrire des livres par des machines. On peut déjà voir un tel processus mécanique à l'œuvre dans les films et à la radio, dans la publicité et la propagande, et dans les franges les plus basses du journalisme. Les films Disney, par exemple, sont produits à l'aide de procédés essentiellement industriels, le travail étant effectué en partie mécaniquement, en partie par des équipes artistiques qui doivent taire leur style personnel pour le mettre au service du film."

    Le préfacier Kévin Victoire cite le texte Pourquoi j'écris où Orwell identifie quatre raisons d'écrire qui existent chez tous les écrivains et dont les proportions varient : 1. le pur égoïsme ; 2. l'enthousiasme esthétique ; 3. l'inspiration historienne ; 4. la visée politique. Raisons à mettre en perspective avec Ezra Pound citant dans son ABC de la lecture l'humaniste du XVIème siècle Rodolfo Agricola, pour lequel "on écrit toujours ut doceat, ut moveat, aut delectet, pour instruire, pour émouvoir ou pour charmer".

    5 novembre 2023

    L'empêchement de la littérature, George Orwell, traduit par Thomas Bourdier, R&N

     

     

     

  • 1948

    En 1948, George Orwell écrit 1984, qui sera publié en 1949 ; en 1948 toujours, son ancien professeur de français, Aldous Huxley publie Ape and essence, bientôt traduit par Jules Castier sous le titre, emprunté à Victor Hugo comme celui de l'auteur l'est à Shakespeare, Temps futurs. Une des originalités notoires de ce dernier livre est qu'il se présente, après un bref chapitre relevant du roman, comme un scénario de cinéma. L'extrait qui suit, passage intégral de la voix off, est un merveilleux apologue prophétique :

    "LE RECITANT
    La Morve, mes amis, la Morve - maladie peu commune chez les humains. Mais, n'ayez crainte, la Science peut aisément la rendre universelle. Et en voici les symptômes. Des douleurs violentes dans toutes les articulations. Des pustules sur tout le corps. Sous la peau, des tumeurs dures, qui finissent par se changer en ulcères squameux. Cependant, la muqueuse nasale s'enflamme et dégage une décharge abondante de pus nauséabond. Il se forme rapidement des ulcères à l'intérieur des narines, lesquels rongent l'os et le cartilage environnant. L'infection passe du nez dans les yeux, la bouche, la gorge et les ouvertures bronchiales. Au bout de trois semaines, la plupart des malades sont morts. S'assurer que tous mourront, telle a été la tâche de quelques-uns de ces brillants docteurs ès sciences actuellement au service de votre gouvernement. Et non pas de votre gouvernement seul ; de tous les autres organisateurs, élus ou désignés par eux-mêmes de la schizophrénie collective du monde. Les biologistes, les pathologistes, les physiologistes - les voici, après une journée ardue passée au laboratoire, qui rentrent dans leur famille. Une étreinte de la gentille petite femme. Des ébats avec les enfants. Un dîner tranquille avec des amis, suivi d'un concert de musique de chambre ou d'une conversation intelligente sur la politique et la philosophie. Puis le lit, à onze heures, et les extases familières de l'amour conjugal. Et le lendemain matin, après un jus d'orange et des grapenuts, les voilà qui repartent à leur travail, qui est de découvrir comment un nombre encore plus grand de familles exactement pareilles à la leur pourra être infecté par une souche encore plus mortelle de bacillus mallei."