Ce court roman (à maints endroits, on se demande pourquoi Messina n'a pas plutôt écrit un essai socio-politique) s'intéresse à des personnages banals, appauvris et paumés, que la politique et l'économie broient. Il s'y dit en somme que le fascisme revient par le centre de l'échiquier ; et qu'il va vaincre. (Partager partiellement cette opinion m'a certainement permis d'aller au bout du livre.) Les personnages (les "lambdas" comme la présidente de la République) sont bien choisis, avec leur généalogie précise et leur situation fouillée, mais aucun n'est doté d'une intériorité réelle, même croupion (sauf peut-être Paul). Toutes ces silhouettes seront fracassées, sauf la présidente.
La peau sur la table tient beaucoup du journalisme de qualité (mais qui prophétise ce qui est déjà là) et pas assez du roman. Surtout, c'est trop court (et j'en espère presque que ce soit la faute de l'éditeur) et l'action principale est étouffée : sans vue d'ensemble, politique ou même topologique, la révolte en cours, à moins que ce ne soient les prodromes d'une révolution, ne nous parvient que par bribes, mangée par les généalogies intimes et sociologiques des personnages, ce qui constitue un véritable défaut de composition.
Cette brièveté est frustrante, et nous ne savons pas comment l'ordurerie politique en cours va continuer, l'auteur se refusant à entrer de plain pied dans l'anticipation. Et cette Christiane qui apparaît à la dernière page, pourquoi n'avons-nous pas eu son parcours ? Comment est-elle arrivée là ?
14 octobre 2023
La peau sur la table, Marion Messina, Fayard