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dantec - Page 2

  • Vortex

    Vingt ans après sa sortie, je relis Villa Vortex. Je n'ai pas fait exprès, je voulais seulement le feuilleter. Et j'ai été happé. Par le vortex, donc. Deux cents pages le premier jour... Et pourtant, il y en a tout de même quelques-unes, des tournures à la one again (on était un peu après la fin de la fin, chez Gallimard). Mais l'énergie emporte tout (même les répétitions à toute heure de syncrétisme métaphysique), et la vision. La noirceur de Dantec paradoxalement galvanise. L'espérance, après tout, consiste à se battre, se battre et encore se battre. Et tout le restant est bon pour les chiottes et les maisons d'édition.

    « Nous avions cru que les machines étaient des prothèses artificielles dont l'homme s'était doté pour dompter la nature. C'était peut-être vrai. Cela n'empêchait nullement le fait que selon toute probabilité l'homme lui-même était une prothèse artificielle dont la nature s'était dotée, pour des raisons inexplicables encore. En d'autres termes, ce monde étonnamment vieux venait vraiment de commencer, tout autant qu'il entrevoyait là sa fin : toutes les créatures ne supplantaient pas leur créateur par une sorte d'effet automatique dont on ne trouve nulle trace dans l'univers, pour que cela advienne il fallait qu'au préalable le créateur ait commis l'erreur de doter sa créature des mêmes pouvoirs de création que lui. » (P. 28)

    « Lors de ma vie innocente et stupide, j'avais eu l'occasion par maintes fois de me rendre compte combien rien ne pesait vraiment face à la forme suprême de volonté qu'avait atteint l'homme moderne, l'homme de ma génération : la volonté de ne plus rien vouloir du tout, tout en désirant tout. Il lui fallait non seulement le confort, pour lequel des générations entières s'étaient usées contre la diabolique dureté du monde de la Matière, mais, s'il vous plaît, le confort doublé du spectacle du risque et de sa propre contestation, c'est-à-dire l'impossibilité pathogène, et pitoyable, de trouver un quelconque espace où sa propre figure ne lui soit pas constamment renvoyée, telle une ombre sans cesse jetée au-devant de lui, et qui grimacerait son horrible sourire de touriste médusé, ou de médecin humanitaire. » (P. 42)

    2 janvier 2024

    Maurice G. Dantec, Villa Vortex, Gallimard (la noire), 2003

  • Le Christ ou le néant

    La dernière avant-garde (le Christ ou le néant) est un bref essai personnel, à l'expression parfois hâtive, empli de constats et d'analyses justes et déjà faits quant à la misère de ce temps très étrange. Romaric Sangars tient (après Pierre Legendre mais sans lui) que nous avons besoin de la Renaissance du XIIème siècle ; et surtout de saint Bernard de Clairvaux, puissant levier d'où soulever le monde. "L'homme traverse la vie en image, cherché par le Verbesemble être la phrase du saint guidant l'auteur, qui ne dit pas de quel ouvrage il la tire (les Sermons sur le Cantique des cantiques, peut-être).

    Le chapitre "Symbole ou statistique", aux deux tiers de l'ouvrage, oppose à l'aplatissement culturel techniquement assisté le déploiement symbolique (rien de bien neuf cependant).
    « Celui-ci ouvre au lieu de massifier et, plutôt que de constituer des blocs en assimilant des éléments épars, il fait éclore d'une seule chose une infinité de pistes. Ainsi la pratique cistercienne de l'herméneutique, inspirée de l'étude juive de la Torah, qui projette dans quatre directions les phrases du Cantique des cantiques, et fait résonner le poème sur un plan historique, allégorique, intime et métaphysique, multipliant les reflets différents d'une même chose. » 

    Sangars au passage, qui doit sans doute tant à Maurice Dantec (l'expression même de catholique du futur), l'évacue rapidement, de façon tout à fait cavalière ; leur puissance de feu pourtant n'est pas la même.  

    Plus délicate est la question de déterminer quelle serait précisément cette avant-garde annoncée par le titre : est-ce l'art renouvelé dans le "rapport unique" de la révélation chrétienne nouant "l'Homme, l'Histoire et la Raison" ? Est-ce le Christ lui-même ? Ou l'Eglise catholique ? Les exemples pris dans les contemporains, quelque estime qu'on puisse avoir pour certains, ne sont pas concluants : en quoi le légitime éclectisme des goûts de l'auteur définirait-il une avant-garde unie et cohérente ? Houellebecq, et son Anéantir, seraient-ils passés au Christ au même titre que Benoît XVI et l'encyclique Deus caritas est ?

    La question de cette avant-garde me semble rester entière, tant au fond son traitement est superficiel.
    Et, à prendre le titre au pied de la lettre, on frôle de faire la retape pour le néant.

    21 septembre 2023

     

    La dernière avant-garde (le Christ ou le néant), Romaric Sangars, éditions du Cerf