Dans le numéro de février-mars 1964 des Lettres nouvelles, revue de Maurice Nadeau, on trouve un texte (traduit par Erik Veaux) d'une grande clarté d'Egon Naganowski, « La nuit au bord du fleuve de la vie » consacré au réputé très difficile Finnegans Wake de Joyce. Je ne sais plus exactement comme je suis entré en possession de cet ouvrage ; peut-être était-ce pour le texte de Malcolm Lowry ouvrant le volume (ou pour Enzesberger, plus que pour Boulez, Moravia ou Michel Bernard (probablement Tournier)). On y peut lire un résumé extraordinairement limpide de l'action se déroulant dans le roman. (Il fallait évidemment que ce papier passionnant fût publié en deux parties... de sorte qu'il me reste à dégotter le numéro d'avril-mai 1964...)
« Quand, en 1923, le sculpteur August Suter demanda à Joyce quelle serait la structure de l'œuvre à laquelle il travaillait déjà, l'écrivain répondit : "Je n'en ai pas la moindre idée. Elle me fait penser à une montagne où je creuse des tunnels dans diverses directions, mais en ignorant ce que je trouverai." Cette technique du "percement de tunnel" provenait entre autres de ce que l'auteur, ainsi qu'il ressort du travail de collationnement donné en appendice au livre d'Ellmann, a créé divers fragments sans suivre l'ordre de leur présentation : ainsi, par exemple, le début du roman ne fut écrit qu'en 1926, les parties centrales dans les années 1923-24, etc... Joyce sautait d'un passage à l'autre, revenant au premier livre ou bien passant au dernier. C'est une méthode analogue qu'il faut appliquer si l'on veut présenter un récit très général de ce qui " se passe" dans ce livre-rêve. »
Il s'agit en somme de percer des tunnels dans le fleuve de la vie.
13 janvier 2024