La dernière œuvre de Zweig, achevée deux jours avant son suicide en 1942, est la première que je lis, si j'excepte quelques longs et beaux passages du Monde d'hier. La nouvelle est prenante et sans doute symbolique, quoi que ce à quoi renvoie précisément le symbole me demeure opaque, ou disons, dépoli. Les quatre personnages sont très réussis, et renvoient à des types d'humanité différents, et le jeu d'échec est sans doute la dernière chose dont parle la nouvelle. Le narrateur écoute, quoi que personne ne parle réellement à personne. L'apprentissage du jeu par le docteur B., lorsqu'il est enfermé par les nazis, est tout à fait symbolique, et les nazis eux-mêmes ont l'air de renvoyer à autre chose qu'à eux-mêmes (ce qui est assez rare, en général ils servent de terminus aux métaphores). Le sens profond de la nouvelle tient peut-être à son mystère, que nombre de gens prennent pour une énigme qu'ils s'astreignent à déchiffrer et sur laquelle ils plaquent au petit bonheur leurs obsessions. Mais je me trompe certainement.
15 janvier 2024
Nouvelle du jeu d'échecs, Stefan Zweig, traduction de Bernard Lortholary, Gallimard, 2013