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perez-reverte

  • Trois vers de Borgès

    Demeure souvent, après que j'ai écrit une notule, ici ou ailleurs, une chose ou l'autre que j'avais pensé écrire et que je n'ai point écrite. En l'espèce, à propos du Tableau du maître flamand de Perez-Reverte, quelques lignes sur la citation de Borgès ouvrant le premier chapitre et partant, le livre :

    «Dieu déplace le joueur et celui-ci la pièce. Quel Dieu derrière Dieu commence donc la trame ? »

    Ces jeux de miroir sont superficiellement intéressants, et je m'y fais encore avoir.
    Plus loin, à la page 201 de mon édition de poche, au cœur du chapitre IX, viennent six vers du même Borgès, dont les trois derniers reprennent, complètent et précisent la citation ci-dessus :

    «Dieu déplace le joueur et celui-ci la pièce.
    Quel Dieu derrière Dieu commence donc la trame
    de poussière et de temps, de rêve et d'agonies... ? »

    La prose est donc devenue vers, et la question de la deuxième phrase s'est allongée. J'aime beaucoup le procédé, même s'il frise gentiment la malhonnêteté.

    J'ai demandé à mon domestique, GPT-5, de me dire dans quels recueils français on trouvait ce poème. Il m'a diligemment répondu que le poème s'appelait Ajedrez et que sa traduction fréquente était Echecs. On le trouve dans le tome II de l'édition de la Pléiade, ainsi que dans le recueil La proximité de la mer, traduit par Jacques Ancet.
    Lequel Ancet donne du premier vers au moins, une traduction assez différente : « Dieu pousse le joueur, et lui la dame. » Je demande à mon domestique quel mot espagnol emploie Borgès, reine ou pièce. 
    Pièce.

    « Dios mueve al jugador, y éste la pieza. »

    Il me semble que mueve  est mieux rendu par déplace que par pousse, et que pieza ne veut pas dire reine.
    Je ne sais pas quelle traduction exactement utilise Jean-Pierre Quijano dans le roman de Perez-Reverte (1990), mais elle me semble plus fidèle que celle d'Ancet. Peut-être est-ce celle reprise dans le Pléiade (2010), signée je crois Jean-Pierre Bernès, Roger Caillois et Néstor Ibarra ; à moins bien sûr que ce ne soit la sienne, faite pour l'occasion.

    La proximité de la mer est également le nom de l'excellent blog consacré à la poésie par le poète (et néanmoins ami) Fred Pougeard.

     


    25 novembre 2025

     

     

  • Le Tableau du maître flamand, d'Arturo Perez-Reverte

    Le roman est publié en 1990 (j'avais vingt ans) et il fait vraiment bon y retrouver des gens qui ont des machines à écrire et qui fument à tout bout de champ, chez eux, dehors et dans les bars où ils boivent avec une modération franchement modérée. L'éteignoir hygiéniste n'avait pas saisi l'Europe encore (quel courage pouvons-nous désormais attendre de gens qui ont peur de la fumée des cigarettes ?).

    La première intrigue du roman, concentrée (pour aller vite) sur la partie d'échecs sise dans le fameux tableau flamand du XVe siècle, et le crime passionnel et politique qu'elle crypte, est vraiment passionnante. La seconde, sur les crimes qu'engendre aujourd'hui la découverte par l'héroïne d'une inscription recouverte sur le même tableau, commence très bien aussi, quoi qu'il apparaisse assez vite au lecteur attentif que la résolution de ces crimes aura bien du mal à éviter l'écueil neuneu-millénariste à la Dan Brown ou la réduction salonnarde à la Agatha Christie avec le maître d'échecs en Hercule Poirot espagnol. Et de fait, Perez-Reverte évite le premier écueil pour naufrager tout à fait sur le second, bousillant au passage (à force de mystérieuses méticulosités logico-mathématico-comportementales de moins en moins crédibles et de justifications psychologiques abracadabrantesques) des personnages initialement plutôt intéressants.

    Tout cela est bien ballot, car l'auteur dit souvent juste quant à la salope sécheresse du cœur humain.


    19 novembre 2025

     

    Le Tableau du maître flamand, Arturo Perez-Reverte, traduit par Jean-Pierre Quijano, ed. J.-C. Lattès, 1993