Au moment de bascule du roman, Jack Barron a pour ainsi dire en main tous les éléments : un certain nombre de crimes sont directement liés au traitement médical révolutionnaire du milliardaire et fabricant de chefs d'Etat Benedict Howards, traitement que sa compagne et lui-même doivent, et veulent aussi, recevoir. Howards a même tenté de faire assassiner Barron quand il a compris quels liens ce dernier avait établis. Eh bien, sachant tout cela, que fait-il donc, ce Jack Barron ? Il fait la chose la plus stupide, et partant la plus humaine, qui se puisse imaginer : il se rend, au surplus avec sa compagne, recevoir ce traitement et participer ainsi lui-même du crime ignoble qu'il avait découvert. Là tient, je crois, une part du talent de Spinrad (après, tout de même, m'être demandé s'il ne merdait pas un peu, là) : tous les éléments sont en possession du héros, mais, soit que dopé à l'adrénaline il s'embrouille dans son raisonnement, refusant de croire à telle énormité, soit que l'attrait du piège manifeste soit plus fort que sa raison, il court aussi volontairement que stupidement à sa perte ; et il n'y court pas seul.
4 octobre 2023
Jack Barron et l'éternité, Norman Spinrad, traduction de Guy Abadia, collection Ailleurs et demain, Robert Laffont, 1969